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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

peut atteindre l’objet qu’il convoite, ou bien parce qu’il a peur des hommes. D’autres, par un raffinement de délicatesse, s’interdisent les voluptés présentes pour en posséder plus tard qui les surpassent. On apporte les mêmes calculs dans la foi. Bon nombre de Chrétiens s’abstiennent, soit en vue de la promesse, soit par crainte de Dieu. Cette espèce de continence, fondement de la Gnose, est comme un degré pour arriver à un état meilleur, comme une impulsion vers ce qui est parfait. « Le commencement de la sagesse, est-il dit, c’est la crainte du Seigneur[1]. » Or, l’homme parfait supporte tout par amour, il endure tout pour plaire, non pas à l’homme, mais à Dieu ! Sa conduite lui attire pour conséquence les éloges publics, bien moins pour sa propre utilité que pour servir d’imitation et de modèle à ceux qui le louent. Sous un autre point de vue, on est encore continent, non-seulement quand on maîtrise les mouvements désordonnés de l’âme, mais quand on a contenu les biens, et que l’on a conquis sans retour la grandeur de la science d’où jaillissent les opérations de la vertu. Sous ses auspices, qu’une catastrophe imprévue survienne, le Gnostique ne sort jamais de sa manière d’être ; car la possession du bien qui constitue la science est solide, immuable, puisqu’elle est la science des choses divines et humaines. La connaissance ne peut donc jamais devenir l’ignorance, ni le bien se transformer en mal. Voilà pourquoi il mange, il boit, il épouse, non pas pour lui-même, ni dans un but principal, mais parce que la nécessité l’y soumet. Épouser, ai-je dit ? Oui, si le Verbe le lui ordonne, et comme il convient. L’homme parfait a pour exemple les apôtres. Et véritablement la force de l’homme ne se manifeste pas dans le choix de la vie solitaire. Vous avez surpassé le courage le plus héroïque, si dans le mariage, dans la procréation des enfants, parmi les soins que réclame une famille, maître de la volupté comme de la douleur, vous restez inséparablement uni à Dieu par l’amour au-

  1. Saint Clément a réuni deux textes différents de saint Paul, I. Corinth., XIII, vii ; II. Thessal., II, iv.