Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5.djvu/643

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
639
SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

rer la charité pour elle-même, et non pour tout autre motif. La perfection du courage se développe donc, chez le Gnostique, simultanément avec la connaissance par l’exercice de la vie morale, et dans les efforts journaliers pour remporter la victoire sur les passions. Ainsi, la charité, en marquant de son onction sainte le front de son athlète et en exerçant ses bras à la lutte, en fait un combattant libre de toute pusillanimité, ferme et plein de confiance en Dieu, de même que la justice lui apprend à dire constamment la vérité. L’abrégé de la justice est renfermé dans cet oracle : « Que votre discours soit, oui, oui, non, non ! »

Il en est de même de la tempérance. Il ne faut pas qu’elle ait pour mobile le désir des honneurs, comme il arrive aux athlètes qui combattent pour la couronne et la gloire ; ni le désir des richesses, comme il arrive à quelques-uns qui poursuivent une vertu sous l’inspiration d’un vice funeste. Je n’appelle pas du nom de tempérant l’homme qui, par amour de soi-même, dans un intérêt de santé, ou bien par suite de mœurs grossières, s’abstient des plaisirs dans une espèce de continente rigidité. Quand ceux qui usent leur vie dans de rudes labeurs viennent à goûter aux plaisirs, ils ne tardent point à briser contre l’écueil des voluptés l’inflexible dureté de leur continence. Le fait est incontestable. Il se passe quelque chose de semblable pour ceux que retiennent la crainte et les menaces de la loi. Présentez-leur une occasion favorable, les voilà qui désertent la vertu et transgressent furtivement la loi. Mais la tempérance qu’il faut rechercher pour elle-même, parce que la connaissance en est la perfection, et le ciment toujours ferme et durable, érige l’homme en maître et en souverain. Aussi regardez le Gnostique ! quelle tempérance ! Jamais les passions ne le troublent, jamais il ne fond au creuset de la douleur, pareil au diamant qui résiste, dit-on, à la flamme la plus ardente[1].

  1. « Placés sur l’enclume, quelques diamants se refusent tellement aux coups, que le fer du marteau et de l’enclume vole en éclats. Telle est leur inexprimable dureté, que leur nature réfractaire triomphe de