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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

vigueur à toute épreuve. Dans tout ce qui regarde les hommes, elle est une sage conseillère, et signale au juste la route qu’il lui faut suivre. Pourquoi s’en étonner ? Elle va puiser au ciel ses principes, et, pour accroître sa ressemblance avec Dieu, elle s’est accoutumée à maîtriser les plaisirs non moins que les douleurs du corps. Mais, armée de sa confiance en Dieu, elle lève fièrement la tête contre toutes les terreurs. L’âme du Gnostique apparaît donc réellement ici-bas comme l’image terrestre de la puissance divine, embellie des vertus les plus parfaites qu’elle doit au concours simultané de la nature, de l’exercice, et de la raison qui s’est développée avec elle. Cette beauté de l’âme devient le sanctuaire du Saint-Esprit, quand elle garde pendant toute la durée de la vie une manière d’être en harmonie avec l’Évangile. Avec ces dispositions, l’homme brave la crainte, le péril, tout ce qui est formidable. Que lui importent, non-seulement la mort, mais l’indigence, la maladie, l’outrage et ce qui peut leur ressembler ? La volupté ne le domine jamais, et il commande en souverain aux aveugles désirs. Il sait pertinemment ce qu’il faut faire et ce qu’il faut s’interdire, parce qu’il connaît de science certaine quels sont les objets véritablement formidables ou non. Conséquemment, il supporte avec connaissance de cause ce qu’il doit supporter, et ce que la raison lui montre convenable. Il distingue, aux rayons d’une lumière qui ne le trompe pas, sur quel fonds il doit placer sa confiance, c’est-à-dire qu’il discerne les biens réels d’avec les biens imaginaires, et les maux véritablement formidables d’avec les maux apparents, tels que la mort, la pauvreté, la maladie, qui appartiennent bien plus à l’opinion qu’à la vérité. Le voilà l’homme de bien, qui, tenu à l’écart de toute impulsion déraisonnable par la constante habitude d’une âme vertueuse, plane au-dessus de cette vie de tourments et de passions. Toutes les facultés qui relèvent de lui-même sont dirigées vers le but qu’il s’efforce d’atteindre ; car les revers de la fortune, selon le langage vulgaire, ne sont point formidables à l’homme de bien, puisqu’ils ne sont pas des maux réels. Quant aux maux vraiment à redouter, ils sont étrangers au Chrétien gnostique, puisque,