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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

d’arriver aux sublimités de cette vie. Le Gnostique, par conséquent, se garde bien de s’attacher à tous ces biens du monde qui se trouvent sous sa main : il ne veut pas séjourner sur la terre. Il chérit les biens qu’il espère, ou plutôt qu’il connaît déjà, qu’il espère du moins par la compréhension. Voilà pourquoi il supporte les labeurs, les tortures, les tribulations, non pas à la manière de ces philosophes dont le courage se soutient uniquement par l’idée que ces douleurs auront une fin, et céderont la place encore une fois au plaisir. Telles ne sont pas ses pensées. La connaissance lui a inculqué l’inébranlable conviction qu’il recevra les biens que lui promet l’espérance. De là vient qu’il méprise non-seulement les supplices, mais tous les plaisirs de la terre. On raconte que le bienheureux Pierre, ayant vu les bourreaux conduire son épouse à la mort, se réjouit de ce que l’heure de son rappel était venue, disant que c’était une exilée qui retournait dans sa patrie. Il l’exhortait, la soutenait par ses consolations, et, l’appelant par son nom, « femme, lui disait-il, souvenez-vous du Seigneur[1]. » Telle était dans le mariage la vie de ces bienheureux : telle était leur manière d’être, même vis-à-vis de ceux qu’ils chérissaient le plus. Aussi l’apôtre nous dit-il « que ceux qui ont des femmes soient comme s’ils n’en avaient pas. » Il ne voulait pas que le mariage descendît aux sympathies humaines, ni qu’il se séparât de cet amour pour le Seigneur, que le modèle des époux recommandait à sa femme de garder intact au moment où elle sortait de la vie pour aller rejoindre le Seigneur. Tous ces martyrs, qui rendaient grâces à Dieu au fort de la torture, ne proclamaient-ils point assez haut l’énergie de leur foi aux biens qui les attendaient après la mort ? Ils avaient, si je ne me trompe, une confiance inébranlable que suivaient les œuvres inspirées par la foi.

Elle est donc robuste et courageuse au milieu de tous les événements, l’âme du Gnostique qui, pareille à ces tempéraments athlétiques, est douée d’une saine constitution, et d’une

  1. Eusèbe a répété ce fait au livre III, chapitre xxiv, de son Histoire ecclésiastique.