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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

CHAPITRE IX.
La supériorité, dans les vertus précédentes, appartient à celui qui enseigne le prochain.

Quelle est grande la dignité du Gnostique ! Toutefois c’est la rehausser singulièrement, que d’avoir la charge d’instruire ses frères. Destiné à répandre par sa parole et par ses exemples le plus grand bien qu’il y ait ici-bas, l’homme investi de cette mission est une sorte de médiateur qui unit l’homme à la Divinité. Le païen qui adore la pierre et le bois, adresse ses vœux à de stupides simulacres comme s’ils avaient des oreilles pour l’entendre, et respecte les conventions qu’il a signées sous leurs yeux. De même, les images qui vivent et respirent, je veux dire les hommes, reçoivent de la bouche d’un maître qui mérite leur créance la réalité des magnificences du Verbe. Le bienfait qui leur est communiqué rappelle l’œuvre du Seigneur lui-même. À son image, l’homme véritable qui répand la semence de la parole, à la fois créateur et réformateur, renouvelle pour le salut l’homme qu’il catéchise. Les Grecs donnent au fer le nom de Mars, au vin le nom de Bacchus, en vertu de quelque relation secrète. Il en est de même du Gnostique. Comme il voit dans l’utilité du prochain son propre salut, on peut dire avec raison qu’il est l’image vivante du Seigneur, sinon dans les propriétés de sa nature, au moins dans les communications de sa puissance, et dans la conformité de la prédication. Tout ce qu’il porte au fond de l’âme, il le porte également sur ses lèvres. Plein d’harmonie dans sa doctrine et ses actions, il prêche d’exemples et de paroles devant tous ceux qui sont dignes de l’entendre. En effet, il exprime toujours la vérité qu’il pense, à moins que, semblable au médecin[1] qui déguise au malade une réalité dangereuse, il ne lui arrive parfois de dissimuler, ou plutôt, selon

  1. Allusion à un passage de Philon, De Cherubim. Cet historien permet au médecin de tromper son malade, de peur que le découragement ne le prenne, ou que la crainte ne l’éloigné d’une opération salutaire