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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

progressivement de l’être le moins bon à celui qui l’est le plus[1]. Non sans doute. Pleines de compassion pour notre néant, les dispensations non interrompues de la Providence s’exercent envers nous comme celles d’un pasteur à l’égard de son troupeau, d’un monarque à l’égard de ses sujets, comme notre obéissance à l’égard des préposés qui nous gouvernent, d’après les ordres qui leur ont été transmis par Dieu.

Quels sont donc les serviteurs et les adorateurs de Dieu ? Ceux qui lui rendent, par la piété non moins que, par la connaissance, le culte véritablement magnifique et royal. Par là même tous les lieux, tous les temps où notre esprit conçoit la pensée de Dieu, sont réellement sacrés. Mais lorsque l’homme dont les dispositions sont vertueuses et le cœur reconnaissant demande par la voix de la prière, il contribue en quelque façon à s’investir lui-même de ce qu’il sollicite, puisque la prière est l’attestation qu’il recevra volontiers l’objet de son désir. Le dispensateur suprême de tous les dons n’a pas plutôt reçu l’expression de ce souhait, qu’il la fait suivre du trésor de ses largesses. Il est constant que la prière manifeste au dehors les dispositions intérieures que nous apportons à l’accomplissement du devoir. Si la parole et le langage nous ont été donnés pour nous comprendre mutuellement, comment Dieu n’entendrait-il pas notre âme, puisque sous nos yeux une âme comprend tous les jours une âme, un esprit un autre esprit ? J’en conclus que Dieu n’a pas besoin d’attendre, comme les interprètes des hommes, que la bouche articule des paroles : il connaît, pour le dire en un mot, les plus secrètes conceptions de tous. Ce que la voix exprime à nos oreilles, notre pensée le déclare à Dieu, qui savait même avant la création, que cette pensée nous viendrait à l’esprit. Il est donc possible de prier sans articuler aucun mot, pourvu que, par une attention inséparablement at-

    blissaient une providence esclave, hypéritikê dunamis, dont la fonction était de servir les créatures.

  1. C’est-à-dire les corps inanimés et les êtres doués de raison.