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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

de nous conserver ses dons, ou bien travailler dès l’origine à nous en rendre dignes, n’est pas la même chose» Il y a mieux. La détestation du mal et l’acte par lequel nous le repoussons est une sorte de prière, mais il faut se garder qu’elle devienne jamais sur nos lèvres un instrument de dommage contre les hommes, à moins que le Gnostique, sagement fidèle aux exigences de la justice, n’applique sa demande aux méchants qui ont dépouillé tout sentiment du bien. Parlons avec plus de hardiesse. La prière est un entretien avec le Seigneur. Nous avons beau nous exprimer à voix basse, ou méditer en nous-mêmes sans remuer les lèvres, nous avons crié du fond du cœur. Dieu a entendu cette parole intérieure qui arrive toujours jusqu’à lui. De là vient que nous élevons la tête et les mains vers le ciel ; que nous agitons les pieds dans la dernière acclamation de la prière[1]. Il semble que le Chrétien, par ce symbole, poursuive avec les élans de l’esprit l’essence qui n’est perceptible qu’à l’intelligence. Détachant en quelque sorte de la terre son corps avec ses paroles qui : montent vers les deux, il soulève son âme, qui, portée sur l’aile des pieux et saints désirs, plane dans les régions célestes et pénètre jusque dans le sanctuaire de Dieu, d’où elle regarde avec dédain la prison de la chair. Nous le savons, en effet, le Gnostique sort de la captivité de ce monde avec non moins de joie que l’Hébreu, quand il quitta la servitude de l’Égypte, afin de prouver qu’il est toujours prêt à se rapprocher le plus possible de son Dieu.

Quelques-uns assignent à l’oraison certaines heures particulières, par exemple, la troisième, la sixième et la neuvième. Le Gnostique, lui, consume sa vie dans la prière, désireux de vivre par elle dans l’intimité de Dieu. Parvenu à ce point, il a laissé, pour le dire en un mot, tout ce qui n’est pas utile, afin de puiser dans cet auguste commerce la consommation de l’homme qui n’agit que par amour. Cette triple division des

  1. Tertullien s’élève fortement contre ceux qui s’asseyaient aussitôt après la fin de la prière.