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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

Une opinion mal sonnante au sujet de Dieu, loin de conserver aux chants, aux discours, aux Écritures et aux dogmes leur caractère de sainteté, descend à des notions vulgaires et à des pensées inconvenantes. De là vient que « la bénédiction du plus grand nombre ne diffère en rien du blasphème, » parce qu’ils ignorent la vérité. Les choses vers lesquelles se portent l’appétit, le désir, et, pour le dire en un mot, toutes les impulsions de l’âme, la prière les sollicite. De même que l’on ne soupire point après la boisson en elle-même, mais qu’on veut boire le breuvage ; après l’héritage en lui-même, mais qu’on veut hériter, de même aussi l’on ne veut pas la connaissance, mais connaître ; on ne veut pas une administration régulière, mais administrer régulièrement : on prie conséquemment pour obtenir ce que l’on demande, et l’on demande ce que l’on désire. Prière ! désir ! ils s’enchaînent et se succèdent alternativement pour obtenir les biens et les avantages qui leur sont attachés. Celui qui ne fait encore qu’élever l’édifice[1] de la connaissance supplie Dieu de lui envoyer les biens véritables, à savoir les biens de l’âme, pendant qu’il travaille lui-même à s’établir dans un état permanent de bonté, de manière à ne plus posséder à l’avenir les biens comme des acquisitions étrangères, mais à s identifier avec la bonté elle-même. La prière convient donc surtout à ceux qui connaissent Dieu comme il veut être connu : point de vertu raisonnable et bien entendue sans l’obligation de savoir quels sont les biens véritables, ce qu’il faut demander, quand et comment il faut demander chaque objet. N’est-ce pas, en effet, le comble de l’extravagance, que d’aller porter ses prières à des dieux menteurs comme s’ils étaient des dieux réels, ou de solliciter, sous l’apparence de biens, des maux qui tourneraient à la ruine du solliciteur ? Voilà pourquoi, persuadés qu’il n’y a qu’un seul Dieu en qui réside toute bonté, nous demandons, les anges et nous, mais à des titres divers, tantôt que les biens nous soient octroyés, tantôt qu’ils nous demeurent. Car, supplier Dieu

  1. « Nous avons lu, avec Heinsius, ktizei au lieu de ktêseî.