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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

il l’a doté. Il assiste rarement aux banquets, à moins que le repas, en lui promettant une réunion de frères confondus dans le même esprit, ne le décide à s’y trouver. Que Dieu sache et entende toutes choses, il en est profondément convaincu. Le langage n’a pas plus de mystères que la pensée pour le Tout-Puissant. En effet, ce n’est point par une faculté particulière au corps, mais par une intelligence et une sorte de compréhension physique que l’ouïe, dont nos organes sont l’instrument, recueille des mots qui ont une signification. Dieu donc n’entend point à la manière de l’homme : il n’a pas besoin de sens, comme il a plu aux Stoïciens de l’imaginer, « principalement de la vue et de l’ouïe. Il est impossible de saisir les objets autrement que par ces deux voies, » disent-ils. Ils se trompent. Il y a encore la merveilleuse facilité de l’air à se déplacer ; les rapides sensations qui sont le privilége commun de la milice angélique ; puis enfin l’énergie de la conscience, qui, d’accord avec la pensée, par une puissance inexplicable et sans le secours d’organes physiques, connaît tout ce qui se passe.

Mais la voix, me dira-t-on, se perd dans les couches inférieures de l’air, sans monter jusqu’à Dieu. Les pensées des saints, répondrai-je, traversent non seulement l’air, mais le monde tout entier. La puissance divine ressemble à la lumière : elle n’est pas plutôt tombée sur une âme, qu’elle la manifeste et l’illumine de toutes parts. Mais que dis-je ? Les projets que forme une âme ne parviennent-ils pas jusqu’à Dieu ? N’ont-ils pas une voix qui les précède ? Ne sont-ils pas transmis par le cri de la conscience lui-même ? Et d’ailleurs, pourquoi faudrait-il donc qu’il attendît les avertissements de la voix, celui qui, dans l’éternité de ses conseils, et longtemps avant la formation de l’élu, le contemplait d’avance et lisait dans l’avenir comme si l’avenir était déjà présent ? Serait-il possible que le rayon de la puissance divine ne portât point sa lumière dans les profondeurs de l’âme, lorsque, suivant le langage de l’Écriture, « le flambeau de la puissance pénètre les lieux les plus secrets ? » Dieu est tout ouïe, il est tout œil, si je puis me servir de ces expressions.