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SAINT CLEMENT D’ALEXANDRIE.

s’interdise toute chair qui a vécu, de peur que, dans la vigueur luxuriante de ses forces, ses sens ne s’allument immodérément. « L’usage du vin, nous dit Androcyde[1], et l’abondance des aliments, en fortifiant notre corps, débilitent notre âme. » Cette nourriture impie étouffe donc la parfaite intelligence. Voilà pourquoi les Égyptiens, dans les purifications expiatoires, interdisent à leurs prêtres l’usage des viandes, et n’usent que de la chair des jeunes oiseaux, qu’ils regardent comme la plus légère de toutes. Quant aux poissons, ils n’y touchent jamais, tant à cause de quelques fables accréditées, que parce que cet aliment produit la mollesse et l’inconsistance des chairs. Les oiseaux et les animaux qui vivent sur la terre se nourrissent, en respirant le même air que nos âmes, doués qu’ils sont d’un principe en affinité avec le souffle aérien. Il n’en va pas de même des poissons : ils n’aspirent qu’un air moins subtil, qui fut, dès l’origine du monde, mélangé avec l’eau, et les autres éléments ; témoignage de permanence matérielle.

Il faut donc offrir des sacrifices, non pas des sacrifices splendides, mais qui soient agréables à la majesté divine. Faisons monter vers elle ce parfum aromatique, qui est composé par la loi[2], encens qu’envoient à Dieu les langues et les voix en communauté de prières, je ne dis point assez, sainte exhalaison des sexes, des tribus, des nations de toute la terre, qui, par le don des révélations successives, conspire à l’unité de la foi, et se réunit dans la glorification ; harmonieux ensemble de justice, de pureté, d’œuvres saintes, et de chastes prières. « Est-il, en effet, un homme assez extravagant, et d’une crédulité assez inepte, dit la muse poétique, pour s’imaginer que les dieux voient avec plaisir le foie rôti d’une victime, et quelques ossements que ne voudraient pas même ronger des chiens affamés ? Quoi ! ce serait là l’offrande qu’ils solliciteraient ! quoi ! ils rendraient grâces à de pareils adorateurs, » fussent-ils pirates, brigands, despotes cruels ! Oui, sans doute,

  1. Médecin mentionné par Athénée et par Pline.
  2. Allusion au verset 34, ch. xxx du Deutéronome.