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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

qui ne se nourrit pas, est un acte de folie. Le comique Phérécrate nous montre avec une ironie mordante, dans sa comédie des Fugitifs, les dieux reprochant aux hommes la parcimonie de leurs oblations. « Quand vous sacrifiez aux dieux, disent les Immortels, vous commencez par mettre à l’écart ce qui pour nous est une cause d’ignominie. Quand vous avez léché et reléché les cuisses jusqu’à l’aine, et que les reins sont bien dépouillés, vous nous jetez ensuite, comme à des dogues[1], l’épine dorsale à-demi-rongée. Mais la honte vous monte réciproquement au visage. Vous rachetez la maigreur de l’offrande par force gâteaux de farine[2]. » Eubule s’exprime de même au sujet des sacrifices : « Vous consacrez au dieux la queue et les deux cuisses de l’animal, comme à de lâches corrupteurs de la jeunesse. » Ailleurs, Bacchus se plaint ainsi dans Sémélé : « Si par hasard on m’offre quelque sacrifice, c’est toujours la vessie et le sang de la victime. De cœur, il n’en est pas question. De grasses offrandes, de cuisses succulentes, jamais. » Ménandre a écrit : « Après qu’ils ont mis en réserve pour les dieux le fiel, l’extrémité des reins et quelques os inutiles, ils consument eux-mêmes les autres parties. » N’est-il donc pas raisonnable de renoncer à la fumée des sacrifices et à l’immolation des animaux ? Que si le parfum de la victime est le tribut des divinités de la Grèce, pourquoi ne pas commencer par inscrire au nombre des dieux les cuisiniers, qui jouissent plus qu’eux encore de la même béatitude ? Prosternez-vous donc humblement devant le fourneau qui est le plus rapproché de la vénérable odeur ! Mais voilà qui est mieux encore. S’il en faut croire Hésiode[3], Jupiter, trompé par Prométhée, reçut dans le partage des viandes qui lui revenaient, « des os recouverts, avec une perfide habileté, d’une enve-

  1. Tertullien a répété le mot dans son Apologétique, pueris et canibus.
  2. Nous avons adopté la correction de Grotius, qui a rétabli le texte et la mesure de ces vers.
  3. Hésiode, Théogonie, v. 536.