Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5.djvu/607

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
603
SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

phes[1], puisse, fabriquer Dieu, et que la Divinité devienne à son tour le jeu des mains de l’homme. Ce que l’on élabore est identique à la nature élaborée. Ainsi un ouvrage d’ivoire est de l’ivoire ; un ouvrage d’or est de l’or. Les simulacres et les temples qui sont dressés par des hommes grossiers sont tirés d’une matière inerte ; par conséquent ils resteront inertes, matériels et profanes comme elle. Donnez à l’art toute la perfection imaginable : la matière garde constamment la grossièreté de son origine, Ainsi les œuvres de l’art, quel qu’il soit, ne sont jamais sacrées et divines. D’ailleurs, quel être pouvez-vous ériger de nouveau, lorsque, dans la disposition universelle, il n’en est pas un qui n’ait sa place assignée. L’objet que l’on érige est placé par quelqu’un parce qu’il ne l’était pas encore. Si Dieu est placé là ou là par les hommes, il y eut donc un moment où il n’avait pas sa place, où il n’existait pas conséquemment. L’être qui n’existait pas n’avait point de place, puisque, pour en occuper une, il faut exister. D’autre part, l’être existant ne pourra être placé par un être chimérique ; il ne pourra point l’être davantage par un être réel : il existe, donc il est placé. Il reste qu’il soit placé par lui-même. Mais comment un être s’engendrera-t-il lui-même ; ou comment l’être se placera-t-il en tant qu’être ? Direz-vous que, sans place auparavant, il s’en est fait une lui-même ? Il n’en est rien, L’être imaginaire ne peut occuper de place. Vous l’avez cru placé. Comment, ce qu’il a eu d’abord dans votre opinion, est-il parvenu à le réaliser ? Mais l’être par excellence, auquel appartient tout ce qui est, ne peut avoir besoin de sa créature. Les formes de Dieu sont celles de l’homme, dites-vous. Mais alors il aura les besoins de l’homme. Il lui faudra des aliments, une maison, des vêtements, et tout ce qui en est la suite. Du moment que vous donnez à deux êtres une forme et des affections semblables, vous les soumettez aux conditions du même régime. S’il est vrai qu’un temple représente ces deux idées, la majesté de Dieu lui-même, et l’enceinte matérielle bâtie en son honneur, pourquoi ne nommerions-nous

  1. Platon, Lois, liv. VII.