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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

qu’il faut imputer l’embrasement des vaisseaux grecs, puisque Achille aurait pu l’empêcher, et qu’il ne l’a pas fait. Sa colère, je l’avoue (car il était en son pouvoir de s’y livrer ou de la vaincre), fut cause qu’il n’empêcha pas l’incendie, et l’en constitua peut-être en partie l’auteur. Mais le démon, puisqu’il avait son libre arbitre, pouvait à son gré ou s’abstenir ou commettre le vol ; il est donc lui-même la cause du vol, non le Seigneur qui ne l’a pas empêché. Et d’ailleurs, il n’y avait pas de raison qui provoquât une défense, puisque le don fait aux hommes par le démon n’était pas nuisible. S’il faut recourir à l’égard des adversaires à des raisonnements plus subtils, nous leur dirons que ne pas empêcher ce qui s’est fait au sujet du vol, n’est point en être cause ; mais que la cause et la faute sont imputables à celui qui empêche ; car celui qui couvre quelqu’un de son bouclier est cause que celui qu’il couvre n’est pas blessé, puisqu’il le défend de toute blessure. Le démon de Socrate était la cause de ses actions, moins en l’empêchant qu’en l’exhortant, si toutefois il eut un démon qui l’ait poussé à agir. Ni les louanges, ni les reproches, ni les récompenses, ni les châtiments ne seraient justes, si l’âme n’était pas libre de se porter vers une chose ou de s’en éloigner, et si le vice était involontaire ; c’est pourquoi celui qui empêche est cause ; mais celui qui n’a pas empêché peut juger avec équité le choix volontaire de l’âme ; de sorte que, dans aucun cas, Dieu ne se trouve l’auteur du mal. Comme c’est un libre choix joint au désir qui commence le péché, et que par fois nous laissons par ignorance ou inadvertance régner dans notre esprit une opinion erronée en soi, un faux préjugé dont nous négligeons de nous éloigner, ignorants et inexpérimentés que nous sommes, le châtiment est juste. En effet on pourrait s’affranchir : la fièvre est une souffrance involontaire ; mais si quelqu’un la provoque par sa propre intempérance, la faute retombe sur lui sous un rapport. Le vice aussi est involontaire ; car personne ne choisit le mal en tant que mal ; mais, séduits par la volupté qui l’entoure, nous le prenons pour un bien, et nous le regardons comme digne de notre choix. Mais il est en notre pouvoir de