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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

il ne le voudrait pas, ce qui exclut la bonté. On ne dira pas non plus que la mollesse l’enchaîne dans les délices : la mollesse à qui daigna revêtir par amour pour nous les infirmités de notre chair ! Ou bien, il faut confesser qu’il prend soin de tous, ce qui est conforme à son essence, puisqu’il est le Seigneur de tous. De plus, il est le Sauveur des hommes et non pas le Sauveur de ceux-ci, à l’exclusion de ceux-là. Il a réparti, suivant l’aptitude de chacun, le don de sa grâce sur les Grecs et sur les Barbares, sur les fidèles et sur les élus, qu’il avait prédestinés d’avance parmi les uns et les autres, mais qu’il appela sous ses étendards au temps marqué. Dira-t-on qu’il envie à quelqu’un la faveur de l’adoption ? Mais tous ont été conviés par lui indistinctement ; les honneurs les plus grands, il les mesure sur l’énergie de la foi. Qu’il soit entravé dans ses desseins par une force étrangère, on ne peut le soutenir. Maître de toutes choses, il accomplit la volonté du Père, auquel appartiennent la bonté et la toute-puissance. D’ailleurs l’envie ne peut s’attaquer au Seigneur, qui est impassible et naquit sans avoir de commencement ; et puis, les choses de la terre sont-elles de nature à exciter l’envie du Seigneur ? Il y en a un autre qui jalouse l’homme, et dans lequel fermentent toutes les passions.

Soutiendrez-vous que le Seigneur refuse le salut au genre humain par ignorance et faute de savoir comment sa bonté doit prendre soin de chacun ? Nouvelle absurdité. L’ignorance ne peut être imputée à un Dieu qui, avant le berceau du monde, était le conseiller de son Père : c’est lui qui, sous le nom de Sagesse faisait les délices du Tout-Puissant[1]. Le Fils de Dieu, en effet, c’est la force du Père, c’est-à-dire son Verbe et sa sagesse, antérieure à tout ce qui a été engendré. On peut donc, dans toute la rigueur du mot, l’appeler le maître de ceux qui ont été formés par lui. Mais peut-être qu’il se laisse détourner par l’attrait du plaisir ? Comment le supposer de celui qui, ayant revêtu notre chair passible de sa nature, la façonne par ses enseignements à la plus complète impassibilité ? Mais à

  1. Proverb. VIII, 30.