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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

sommet des montagnes, et bien digne d’avoir encore les anges pour compagnons sur ces hauteurs. Or, Jésus vit ce spectacle d’en bas, transporté en esprit avec Caleb. Toutefois les deux spectateurs ne voient pas de la même manière. Celui-ci descendit promptement, comme impatient de déposer le fardeau qui l’accablait ; celui-là, descendu de ces sublimités, raconta dans la suite la gloire dont il avait été le témoin, plus clairvoyant que son compagnon, parce qu’il était plus pur. L’histoire signifie, si je ne me trompe, que la connaissance n’est pas le domaine de tous. Les uns occupés du corps matériel des Écritures, c’est-à-dire, des mots et des noms, n’entrevoient que le corps de Moïse ; les autres pénètrent le fond de la pensée, et cherchent sous les mots leur signification mystique, poursuivant avec une avide curiosité le Moïse qui siége à côté des anges. Assurément parmi ceux qui invoquaient le Seigneur lui-même, un grand nombre disaient : « Fils de David, ayez pitié de moi ! » mais combien peu connaissaient le Fils de Dieu, comme Pierre, que son maître proclama heureux, « puisque ce n’était ni la chair ni le sang qui lui avait révélé le mystère, mais le Père qui est dans les deux ! » Il nous apprenait par ces mots, que le véritable Gnostique connaît le Fils du Tout-Puissant, non point par les yeux de cette chair qui a été formée dans le sein maternel, mais par la vertu du Père lui-même. La possession de la vérité n’est pas une œuvre laborieuse uniquement pour les inexpérimentés et les inhabiles. L’histoire de Moïse fournit la preuve que ceux-là même dont elle est la science particulière, ne jouissent pas de la contemplation dans toute son étendue. Jadis les Hébreux ont vu la gloire de Moïse ; les saints d’Israël ont vu les visions angéliques : il faut attendre que nous puissions, comme eux, contempler face à face les splendeurs de la vérité.