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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

la bonté d’un bien à venir. Le véritable Gnostique prie donc, même en pensée, à toute heure du jour, puisque la charité l’unit intimement à Dieu. Ce qu’il demande avant tout, c’est d’obtenir la rémission de ses péchés, puis de ne plus pécher ; en troisième lieu, de faire le bien, et enfin de comprendre la création divine avec les lois qui la gouvernent, afin que, pur de cœur par la connaissance qui vient du fils de Dieu, il soit admis à contempler face à face le mystère de la bienheureuse vision, pour avoir observé ce précepte de l’Écriture : « Le jeûne est bon avec la prière. » Or, jeûner n’est autre chose que s’abstenir généralement de tout mal, soit en action, soit en parole, soit même en pensée. La justice est donc un ensemble complet[1] dont toutes les parties, semblables à elles-mêmes, se correspondent exactement : paroles, actions, abstinence du mal, bonnes œuvres, connaissance parfaite, rien qui boite en elle ; rien qui blesse l’égalité, ni la droiture. De ce qu’un homme est juste, il est nécessairement fidèle ; mais de ce qu’il est fidèle, il n’est pas à dire qu’il soit juste. Je parle ici de cette justice progressive et consommée par laquelle le nom de Gnostique se confond avec celui de Juste. « C’est ainsi que la foi d’Abraham lui fut imputée à justice, » parce qu’il s’était élevé à quelque chose de plus grand et de plus parfait que la foi. Car on n’est pas juste pour s’abstenir uniquement du mal. Il faut de plus faire le bien et connaître pourquoi il est nécessaire de s’interdire telle chose, pourquoi il est nécessaire d’accomplir telle autre. Le juste, selon le langage de l’apôtre, « acquiert l’héritage par les armes de la justice, par celles de droite, comme par celles de gauche ; » il se défend avec celles-ci, il frappe avec celles-là ; car les armes défensives et l’abstinence de tout péché sont insuffisantes pour la perfection, si l’on n’y joint les œuvres de la justice et l’énergie du bien. C’est alors que, protégé de tou-

  1. La justice est carrée, dit le texte. Cette expression est familière à Platon et à Aristote pour désigner un homme dont les principes sont fortement arrêtés et qui n’offre sur lui-même aucune prise aux passions, aux événements, à l’opinion. Anér tetragônos, un homme à base carrée.