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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

mais en vertu de cette charité toute intelligente, que le divin rémunérateur recompose par le céleste héritage et par la réintégration parfaite, réalisant ainsi pour le Gnostique les dons que celui-ci a choisis, et, pour ainsi dire, reçus d’avance par la charité. N’est-il pas vrai qu’emporté vers Dieu sur les ailes de l’amour, le Gnostique, bien que son enveloppe charnelle demeure encore sur la terre, s’il ne se dégage pas entièrement des liens de cette vie, cela lui est défendu, soustrait du moins son âme à l’influence des passions, quoi de plus légitime ! et vit libre sur la ruine de toutes les convoitises ? Le corps, il ne s’en sert plus. Il lui permet seulement d’user des choses qui sont nécessaires à sa conservation, afin de n’en point occasionner la ruine. Allez donc parler encore de courage à cet homme tout spirituel qu’aucun danger ne peut assaillir, puisqu’absent d’ici-bas, il est déjà tout entier avec l’objet de son amour. À quoi lui servirait la tempérance ? Il n’en a pas besoin. L’exercice de cette vertu atteste les assauts des désirs qu’il faut vaincre ; il la laisse par conséquent à l’homme qui, au lieu d’être entièrement pur, lutte encore contre les passions. Le courage n’est une arme que contre la crainte et la pusillanimité. Mais est-il convenable que l’ami de Dieu, celui que Dieu a prédestiné avant la création du monde pour être inscrit dans la grande adoption des enfants, soit battu par les coups de la crainte et de la volupté, uniquement occupé a réprimer les perturbations de l’âme ? Je ne crains pas de le dire bien haut : de même qu’il est prédestiné par ce qu’il fera et par le but auquel il doit atteindre, de même il se prédestine personnellement par la connaissance et l’amour de son Dieu. Il n’embrasse point l’avenir par des conjectures incertaines, à la manière de la plupart des hommes dont la vie est une longue incertitude ; mais les lumières de la foi et de la connaissance éclairent pour lui ce qui est obscur pour les autres : la charité qui l’anime lui rend l’avenir déjà présent. Car il croit, et par les oracles des Prophètes, et par le mystère de l’Incarnation, aux paroles d’un Dieu qui ne trompe pas. Ce qu’il a cru, il le possède, et le don de la promesse est entre ses mains. En effet, l’auteur