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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

qui replace le vrai Gnostique dans l’unité de la foi, sans les conditions intermédiaires de temps et de lieu. Celui qui, par la charité, est déjà investi des biens qu’il possédera un jour, parce qu’il a embrassé l’espérance par la vertu gnostique, n’a plus rien à désirer, puisqu’il jouit d’avance, autant qu’il est en lui, de tous les trésors qu’on peut désirer. Faut-il s’étonner ensuite que l’âme où la connaissance est unie à la charité, se maintienne toujours dans une inviolable immutabilité ? L’ardeur jalouse de ressembler à ce qui est beau ne tourmente pas davantage le Gnostique : la charité le revêt de la beauté même. À quoi bon l’aiguillon du désir et les emportements de la hardiesse pour celui qui, inscrit par l’amour au nombre des amis de Dieu, s’unit par la charité à un Dieu dont n’approche jamais la plus légère altération ? Vous comprenez maintenant pourquoi nous retranchons de l’âme du Gnostique jusqu’à l’apparence de l’émotion et du trouble. La connaissance produit l’exercice, l’exercice amène la manière d’être, ou la disposition ; la disposition engendre à son tour l’absence de tous les mouvements désordonnés, et non pas seulement l’empire sur ces mouvements. Quel est le secret de ce calme inaltérable ? On ne l’obtient qu’en coupant le désir jusque dans ses dernières racines.

Ne parlez pas non plus au Gnostique de ces impulsions intérieures que l’on préconise vulgairement comme des biens, impulsions qui ne ressemblent que trop aux passions et en ont le trouble, je veux dire, la joie qui est voisine du plaisir, la tristesse qui est voisine de la douleur, la circonspection qui se rattache à la crainte, la vivacité qui touche à la colère. Le Gnostique ne s’arrête point aux éloges que l’on donne à ces prétendus biens. Il est impossible à l’homme qui s’est élevé par la charité jusqu’à la perfection et qui nourrit ses insatiables désirs des éternelles délices de la contemplation, de s’abaisser encore aux misérables joies de la terre. Vous lui demandez de redescendre de ces hauteurs pour jouir des biens de ce monde. Mais il est déjà entré « dans la lumière inaccessible, » non pas de fait, puisque les temps et les lieux l’en séparent encore,