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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

qui aime toujours Dieu, qui n’a de pensées que pour Dieu, et par conséquent ne saurait haïr aucune des créatures de Dieu ? Le sentiment de l’émulation ! il lui est inconnu. Que lui manque-t-il pour sa complète assimilation avec ce qui est bon et beau ? Il ne ressent pour qui que ce soit cette affection vulgaire qu’on nomme amitié ; il chérit le Créateur dans la créature. Loin de lui le désir et la convoitise ! Il possède tous les trésors, du moins tous les trésors de l’âme, puisque, par la charité, il vit dans le commerce du Bien-Aimé, auquel il est déjà uni par l’élection, resserrant encore par une pratique assidue les doux liens de cette intimité, et heureux de l’abondance de tous les biens. Tels sont les motifs pour lesquels il s’efforce de fermer son cœur à toutes les passions humaines, à l’exemple de son divin maître. En effet, il est tout intelligence le Verbe de Dieu par lequel les rayons de l’intelligence se reflètent dans l’homme seul. C’est envisagé sous cet aspect, que l’homme de bien s’élève, par son âme, jusqu’à la forme et à la ressemblance de Dieu, et que Dieu est semblable à l’homme, puisque la forme de l’un et de l’autre est l’intelligence, attribut qui nous distingue et nous caractérise. J’en conclus que pécher contre l’homme, c’est commettre un véritable sacrilége et faire acte d’impiété.

— J’entends ici qu’on avertit complaisamment le Gnostique d’épargner au fond de lui-même la colère et la hardiesse, parce que, sans le secours de ces deux auxiliaires, il ne pourra ni s’exciter contre l’ennemi, ni opposer un front invincible aux assauts de la tribulation. Si vous étouffez en lui le désir, ajoute-t-on, il se laissera écraser par la douleur et sortira honteusement de la vie. Cette flamme une fois éteinte, il ne sentira même plus cette noble ambition qui tient en haleine l’homme de bien. En effet, si toute union avec la vertu ne s’opère que par le désir, comment pouvez-vous demander à celui qui fait effort vers la vertu de rester libre de toute affection intérieure ?

— Objection frivole et puérile ! Ceux dans la bouche de qui elle se trouve paraissent ignorer l’essence divine de la charité. La charité n’est pas un désir, c’est une tendre et sainte union