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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

purs. Le prophète entend par les habitants de ces solitudes les Gentils que la foi n’a point adoucis, dont la vie est abjecte, et que la justice, fille de la loi, n’a point purifiés. Mais, de sauvages qu’ils étaient, transformés par la foi chrétienne, ils deviennent hommes de Dieu, et montent à cette sublime dignité, parce que leur volonté a dès l’abord incliné à la conversion. Dieu parle aux uns par la voie de l’exhortation ; aux autres qui ont déjà commencé l’œuvre de leur salut, il leur tend la main et les attire à lui. « C’est lui, en effet, qui est le maître de tous, sans acception de personnes, et qui, ne respectant aucune grandeur, parce qu’il a créé les grands et les Gentils, prend un égal soin de tous. » On lit aussi dans David : « Si les nations ont été englouties dans le gouffre qu’elles avaient creusé ; si leur pied a été pris dans les filets qu’elles avaient tendus, le Seigneur est l’asile du malheureux, il lui vient en aide à propos aux jours de l’affliction. » Qu’en conclure, sinon que l’Évangile a été promulgué en temps opportun aux oreilles de ceux qui vivaient dans l’affliction ? Voilà pourquoi le Psalmiste dit encore : « Annoncez ses œuvres parmi les nations, afin qu’elles ne soient pas jugées injustement. » Quand Je vois le Seigneur prêcher l’Évangile aux vivants, afin qu’ils ne soient pas injustement condamnés, comment un motif semblable ne l’aurait-il pas déterminé à évangéliser ceux qui étaient morts avant son avénement ? « Oui, le Seigneur est juste ; il aime la justice ; son visage est tourné vers ceux qui ont le cœur droit ; mais celui qui chérit l’iniquité se hait lui-même. » Si donc toute chair qui avait péché périt sous les eaux du déluge, instruite et châtiée à la fois par cette grande leçon, il faut croire d’abord que la volonté divine, qui a pour attribut d’opérer et d’instruire, sauve les hommes qui se convertissent[1].

  1. Vous avez raison, ô Clément, quand vous plaidez si énergiquement la cause de la bonté divine. Le Gentil avait, pour marcher dans la justice et la loi naturelle, la voix de sa conscience, et les révélations successives que le monde païen n’avait pas laissées périr tout entières. Si tout cela n’avait pas suffi, Dieu, et il l’a promis quelque part, aurait fait des miracles plutôt que délaisser périr l’âme du juste.