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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

démons, Platon l’appelle, dans son dixième livre des Lois, l’âme malfaisante. Voici ses propres paroles : « Ne faut-il pas convenir encore que l’âme qui habite en tout ce qui se meut, et en gouverne les mouvements, régit aussi le ciel ? — Oui. Cette âme est-elle unique, ou bien y en a-t-il plusieurs ? Je réponds pour vous qu’il y en a plus d’une. N’en mettons pas moins de deux, l’une bienfaisante, l’autre qui a le pouvoir de faire du mal. » Il dit également dans le Phèdre : « Il est encore d’autres maux ; mais à la plupart d’entre eux un démon a mêlé des joies et des plaisirs d’un moment. » Il va encore plus loin dans le dixième livre des Lois, où il semble commenter les paroles de l’apôtre : « Nous avons à combattre non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les principautés, contre les puissances et contre les esprits répandus dans l’air. » Laissons parler le philosophe lui-même : « En effet, puisque nous sommes demeurés d’accord que l’univers était plein de biens et de maux, en sorte que la somme des maux surpasse celle des biens, il doit exister entre les uns et les autres une guerre immortelle qui exige une vigilance étonnante. »

La philosophie barbare distingue aussi deux mondes, l’un perceptible à la seule intelligence, l’autre visible aux yeux du corps, le premier ayant servi d’archétype, le second formé sur cet admirable modèle. Elle rapporte à l’unité ce premier monde qui n’est connu que par l’intelligence ; au nombre six, celui qui frappe nos sens. Chez les Pythagoriciens, en effet, le mariage est désigné par le nombre six, parce que c’est un nombre générateur. La philosophie révélée place donc dans l’unité ce ciel qui ne tombe pas sous nos sens, cette terre sacrée, et cette lumière qu’on ne voit qu’avec les yeux de l’âme. En effet, « au commencement, dit-elle, Dieu créa le ciel et la terre. Or, la terre était invisible. » Elle ajoute : « Et Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. » Or, dans la création du monde sensible, Dieu fait le ciel solide, car ce qui est solide tombe sous les sens, la terre visible et la lumière palpable à notre œil. Eh bien ! Platon, laissant dans le monde intellec-