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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

nous élançons, par le seul effort de la raison, vers chaque être isolément, sans jamais quitter les choses avant de nous être élevés aux régions qui les dominent, avant d’avoir saisi avec l’intelligence elle-même le bien véritable, qui est la fin suprême du principe intelligent, comme le dit Platon. Il y a mieux. Moïse, ne permettant pas d’élever des temples et des autels en des lieux divers, mais érigeant lui-même un temple unique en l’honneur de Dieu, ne déclare-t-il pas que le monde est l’œuvre d’un seul créateur, ce qu’avoue Basilide, et qu’il n’y a qu’un seul et même Dieu, ce que n’avoue pas Basilide ? Moïse, en véritable Gnostique, sait bien qu’il ne peut circonscrire dans un lieu l’Être sans bornes. Il ne présentera donc à l’adoration du peuple aucune image taillée, pour montrer par là que Dieu est invisible et infini. Il élève la pensée d’Israël et il la conduit pour ainsi dire jusqu’à Dieu, en ne livrant à ses hommages que le nom sacré qui remplit l’intérieur du temple.

Le Verbe d’ailleurs, en défendant qu’on érigeât des temples ou qu’on immolât des victimes, ne donne-t-il pas à entendre que la majesté du Tout-Puissant n’est pas enfermée dans un lieu ? « Quel palais pouvez-vous me bâtir, dit le Seigneur ? Le ciel est mon trône. » Et à l’occasion des sacrifices : « Je ne veux ni du sang des taureaux, ni de la graisse des agneaux » et tout ce que le Saint-Esprit répudie ensuite par la bouche du prophète. Admirables paroles avec lesquelles s’accorde Euripide dans les vers qui suivent :

« Quel temple, bâti de main d’homme, pourra contenir la Divinité dans son enceinte de pierre ? »

Il dit pareillement des sacrifices :

« Dieu n’a pas besoin de ces oblations, puisqu’il est le roi de l’univers. Chimères et inventions des poètes, que tout cela. »

« Car Dieu, au jugement de Platon, n’a point créé le monde pour en tirer quelque profit, ni pour recueillir les hommages des hommes, des dieux et des génies, sorte d’impôt qu’il lèverait sur tout ce qu’il appelle à la naissance ; tribut de fumée de la part des mortels, d’honneurs et de services de la part des dieux et des génies. »