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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE

« pas votre cœur, » pour nous faire entendre qu’il ne faut pas nous ronger l’âme par les soucis et nous attrister des événements qui surprennent notre prudence et notre volonté. Il est en effet bien malheureux, celui qu’Homère aussi nous représente « errant seul et rongeant son cœur. »

En outre, quand l’Évangile, les apôtres et tous les prophètes, nous montrent deux voies, l’une qu’ils nomment la voie étroite, parce qu’elle est resserrée entre la défense et le précepte, l’autre qui est opposée à celle-ci, et qu’ils nomment la voie large et spacieuse, parce qu’elle ouvre un libre passage à la colère et à la volupté ; quand de plus ils ajoutent : « Heureux l’homme qui n’est pas entré dans le conseil de l’impie et qui ne s’est pas arrêté dans la voie des pécheurs, » n’est-il pas évident que ces passages ont donné naissance à la célèbre allégorie de Prodicus de Céos où le vice et la vertu se disputent l’âme d’Hercule ? N’est-ce pas d’après eux que Pythagore, en nous défendant de suivre les voies publiques, ne craint pas de nous tenir en garde contre les opinions de la multitude, presque toujours extravagantes et désordonnées ? Aristocrite, dans la première partie de ses Oppositions, dirigées contre Héracléodore, rapporte une lettre ainsi conçue : « Ætéas, roi des Scythes, au peuple de Byzance : Ne mettez aucun empêchement à la levée de mes tributs, sinon mes cavales iront boire l’eau de vos fleuves. » Le barbare leur annonçait, par ce langage figuré, la guerre qu’il irait porter chez eux. Le poëte Euphorion met des paroles semblables dans la bouche de Nestor :

« Nous n’avons pas encore abreuvé dans les ondes du Simoïs nos chevaux nés aux plaines de la Grèce[1].

La coutume où sont les Égyptiens de placer des sphinx devant leurs temples n’a pas d’autre origine que le symbole. Ils nous avertissent par là que les doctrines sur la Divinité sont enveloppées d’énigmes et d’obscurités ; peut-être aussi veulent-ils nous faire comprendre qu’il faut en même temps aimer et

  1. Ou bien : nous n’avons pas encore éloigné des ondes du Simoïs, etc., selon que l’on fait venir, arsamen de airô, ou de ardô.