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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE

dire l’oblique. Il en est de même de ces apophthegmes prononcés par les sages de la Grèce, et qui renferment en quelques mots une haute signification. Je prends pour exemple cet adage : « Épargne le temps : » soit que notre vie étant courte, il ne faille pas la consumer en extravagances ; soit que d’autre part il y ait là un avertissement de modérer nos dépenses privées, afin que le nécessaire ne nous manque jamais, dussions-nous vivre des centaines d’années. Que de choses encore sous cet autre apophthegme : Connais-toi toi-même ! Sache que tu es mortel, nous dit-il ; que tu es homme, et qu’en face des biens du premier ordre que l’on peut acquérir ici-bas, tu te glorifies du néant en vantant ta gloire et tes richesses ; ou bien encore : sache que, nageant dans l’opulence ou élevé en honneur, tu ne dois pas te prévaloir des seuls avantages par lesquels tu surpasses les autres. Loin de là ! rappelle-toi pour quelle fin tu es né, de qui tu portes l’image, quelle est ta nature, quel est ton Créateur, quels sont tes rapports avec Dieu, et autres choses semblables. L’Esprit saint nous dit aussi par la bouche du prophète Isaïe : « Je te donnerai des trésors secrets et cachés. » Or, les trésors de Dieu, les richesses intarissables, ne sont rien moins que la sagesse, dont l’acquisition demande tant de labeurs.

Il y a mieux, les poètes qui ont appris dans les prophètes hébreux ce qu’ils savent des mystères divins, cachent leur pensée sous des formes allégoriques. Cette observation s’applique à Orphée, à Linus, à Musée, à Homère, à Hésiode, et généralement à tous ceux qui ont montré quelque sagesse dans ces matières. L’enthousiasme poétique jette le symbole comme un voile entre soi et la multitude. Sous les songes, sous les allégories, se remue quelque chose de caché, non que Dieu nous dérobe la science ; qui pourrait sans crime le supposer accessible aux passions humaines ? Il veut seulement que notre intelligence, obligée de pénétrer l’enveloppe mystérieuse, se replie sur elle-même pour découvrir la vérité. Voilà pourquoi nous lisons dans Sophocle :

« Jamais cette conviction ne m’abandonnera. Dieu révèle aux sages le sens caché des oracles ; aux âmes communes,