Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

la vérité. Pour moi, le seul but que je me propose, et avec raison, je crois, c’est de vivre selon le Verbe, et de comprendre l’esprit de ses préceptes ; c’est de ne jamais m’inquiéter de bien dire, et d’être content si je parviens à faire comprendre ce que je comprends. Peu m’importe le style pourvu que je rende bien la pensée que je veux exposer. L’essentiel, à mes yeux, c’est de sauver ceux qui désirent être sauvés, c’est de coopérer à leur salut, et non pas d’arranger des mots, comme on ajuste des colifichets de toilette. « Si tu ne t’inquiètes pas trop des mots, dit un pythagoricien, dans le Politique de Platon, la sagesse sera ton trésor aux jours de ta vieillesse. » On lit encore dans le Theætète : « La négligence dans le style et l’incorrection ne doivent pas être considérées comme les défauts d’un homme sans goût ; c’est plutôt la manière opposée, indigne d’un homme libre. Car, celle dont nous parlons est quelquefois une nécessité. » C’est ce que l’Écriture nous dit d’une manière bien précise : « Ne vous appesantissez pas trop sur les mots, dit-elle, car le style est aux choses ce que les vêtements sont au corps, les choses sont les chairs et les muscles. » Il ne faut donc pas que le soin du vêtement passe avant le salut du corps. Car, lorsqu’on a embrassé la vie de la vérité, il ne suffit pas d’être frugal dans son régime, il faut en outre écarter de ses paroles toute recherche et tout ornement superflu ; si toutefois nous repoussons le faste et la mollesse, à cause des piéges qu’ils renferment, et des excès dont ils sont la source ; si nous les repoussons, dis-je, comme les anciens Lacédémoniens proscrivaient les essences et la pourpre, comme des vêtements trompeurs et des parfums mensongers. Car ce n’est pas un mets bien préparé que celui où il entre plus d’assaisonnements que de choses nutritives ; et ce n’est un discours ni utile, ni convenable, que celui qui est plus propre à plaire qu’à profiter à ceux qui l’écoutent. Pythagore nous exhorte à préférer les muses aux Syrènes, nous enseignant à écarter la volupté de la sagesse, la regardant comme une amorce trompeuse qui perd et séduit l’âme. Il s’est rencontré tout au plus un homme dont le vaisseau a passé sans