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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

propre nature, comme l’imagine Basilide, en décorant du nom de foi et de royauté céleste sa merveilleuse intelligence, et en élevant la créature, jugée digne de la vie, sinon jusqu’à la puissance de Dieu, au moins jusqu’à son essence, c’est nous vanter je ne sais quelle nature, quelle substance, quelle beauté suréminente de la créature ; ce n’est pas dire avec nous que la foi est l’assentiment raisonnable d’une âme dans l’exercice de sa liberté. Si je suis sauvé par le droit de ma nature, ainsi que le veut Valentin ; si je suis déjà investi de la foi et assuré de l’élection par le privilége de ma naissance, ainsi que le veut Basilide, à quoi bon dès lors les préceptes du nouveau et de l’ancien Testament ? La nature dégradée ne pouvait-elle pas même, un jour, avec le progrès du temps, se relever et refleurir, sans l’avénement de Jésus-Christ ? Les sectaires diront-ils que l’avénement de notre Seigneur était nécessaire ? Que devient, après cet aveu, le privilége de leur naissance, puisqu’il est vrai que l’élection s’acquiert par la doctrine, par la purification, par les bonnes œuvres, au lieu d’être une prérogative de la nature ? Répondez ! Abraham, dont la foi docile crut à la voix qui lui promettait sous le chêne de Mambré « de lui donner à lui et à sa postérité la terre » où il reposait, Abraham était-il alors élu, ou ne l’était-il pas ? S’il ne l’était pas, d’où vient qu’il crut aussitôt, comme par suite d’une inspiration naturelle ? s’il était élu, votre système est ruiné dans sa base, puisque la preuve nous est acquise qu’il y a eu élection et salut avant l’avénement de Notre Seigneur. « Car l’obéissance du patriarche lui fut imputée à justice. »

Ici j’entends un disciple de Marcion me crier que, même avant l’avénement du Seigneur, le Créateur sauvait quiconque avait foi en lui, et que les élus étaient sauvés par l’efficacité de la grâce qu’il leur conférait ! — Étrange manière vraiment de préconiser la puissance du Dieu bon ! Quoi ! il ne met la main au salut des hommes que longtemps après ce Démiurgue dont les sectaires eux-mêmes sont réduits à louer les bienfaits ; et disciple, ou même vil plagiaire de son prédécesseur, il a besoin qu’on lui fasse la leçon sur ce point ! Mais j’accepte l’explication ;