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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

hommes, il connaît leur ignorance, et il a pitié de leur aveuglement. C’est donc avec raison que la connaissance elle-même, animée par la charité, instruit l’ignorance à respecter dans chaque créature l’œuvre du Tout-Puissant. Si elle a appris à aimer Dieu, sa vertu, dès lors inamissible, l’accompagnera dans la veille, dans le sommeil, dans la vision, puisque ce qui est devenu une essence spirituelle ne sort pas de soi-même pour décheoir de ses conditions d’existence. Soit donc qu’on appelle la connaissance une nouvelle nature, soit qu’on la nomme une disposition intérieure, toujours est-il que la partie directrice de l’âme, par cela même qu’elle ne reçoit jamais de pensées étrangères, immuable dans son action, ne prend rien des formes variables qui passent devant elle, et ne poursuit en songe aucune de ces images qui reviennent la nuit préoccuper les esprits qu’elles ont ébranlés le jour. Voilà pourquoi le Seigneur nous recommande aussi de veiller, afin que notre âme ne soit jamais troublée par les passions, pas même en songe. Il veut que notre manière d’être pendant la nuit soit réglée comme pendant le jour, et que nous conservions notre sommeil pur et sans tache. La manière de ressembler à Dieu, autant du moins qu’il est en nous, c’est de maintenir notre esprit dans la constante application aux mêmes choses, disposition qui est au pouvoir de l’esprit en tant qu’esprit. Ses inconstances et ses variations accusent une trop grande ardeur pour les choses de la matière. Telle est la raison pour laquelle les Grecs, j’imagine, ont nommé la nuit bonne conseillère, parce que l’âme, dégagée alors de l’empire des sens, se replie sur elle-même pour appartenir tout entière aux inspirations de la sagesse. Voilà pourquoi encore les mystères se célèbrent la nuit, comme pour figurer l’action par laquelle l’âme s’isole du corps pendant les ténèbres. « Ne nous laissons donc point aller au sommeil, comme les autres ; mais veillons et soyons sobres ; car ceux qui dorment dorment la nuit, et ceux qui s’enivrent s’enivrent durant la nuit. Pour nous, enfants du jour, soyons sobres, en prenant pour cuirasse la foi et la charité, et pour casque l’espérance du salut. »