Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
343
SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

haut, il faut encore qu’il ne se laisse jamais guider par la crainte. Il est écrit : « Où fuir, où me cacher de votre face ? Si je monte vers les cieux, vous y êtes ; si je me retire aux extrémités de la mer, votre droite y est ; si je descends au fond des abîmes, votre esprit y est. » Le Gnostique ne fait pas non plus le bien en vue de la récompense promise ; car il est dit : « Voici le Seigneur, et sa récompense est devant sa face ; il vient pour rendre à chacun selon ses œuvres. L’œil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu, et le cœur de l’homme n’a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. » Quel sera donc le mobile du Gnostique ? Le bien, ayant son principe dans l’amour, et le beau, considéré en lui-même. « N’a-t-il pas été dit au Seigneur par Dieu le Père : « Demande-moi, et je te donnerai les nations pour héritage ? » Prière vraiment royale, qui nous enseigne à demander gratuitement au roi de l’univers le salut des hommes, afin que le Seigneur soit notre héritage et notre possession ! Au contraire, aspirer à la science qui est en Dieu, dans un but d’utilité quelconque, soit pour que telle chose arrive, soit pour que telle chose n’arrive pas, ce n’est pas là le propre du Gnostique. Il ne veut d’autre fin à la contemplation que la connaissance elle-même. J’oserai l’affirmer, ce n’est point en vertu du salut que l’homme, qui poursuit la connaissance pour cette science divine elle-même, embrassera la connaissance. En effet, l’intelligence devient, par un exercice continuel, l’intelligence permanente. Or, comprendre toujours forme l’essence du Gnostique, dont l’activité ne connaît ni ralentissement ni interruption ; et cette contemplation permanente produit chez lui une substance vivante. Voici une hypothèse : Si on proposait au Gnostique de choisir entre la connaissance de Dieu et le salut éternel, et que ces deux choses, absolument inséparables, pussent se séparer, il choisirait, sans balancer un seul moment, la connaissance de Dieu, estimant qu’il faut préférer pour elle-même la faculté, inhérente à la foi, de s’élever la connaissance par l’amour. Tel est donc le premier principe du bien chez l’homme parfait : il n’agit point dans une vue d’intérêt personnel. Mais a-t-il jugé que faire le bien est quelque