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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

c’est-à-dire encore, cette doctrine et cette vie d’amour que le Christianisme enseigne et pratique d’après le Rédempteur. Jadis le commandement disait au nom de la crainte : Tu ne seras point adultère ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain. Aujourd’hui, c’est la charité qui perfectionne le précepte. Il n’est pas indifférent que l’action soit accomplie par crainte, ou perfectionnée par la charité ; qu’elle vienne de la foi ou qu’elle soit inspirée par la gnose. Il est donc juste qu’il y ait divers degrés dans les récompenses. Pour le véritable Gnostique, il en a été préparé « que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et que le cœur de l’homme n’a jamais conçues. » Quant à celui qui s’est borné à croire, le Seigneur lui promet le centuple de ce qu’il a quitté. Avouons-le, cette promesse est à la portée de toutes les intelligences.

À ce propos, je me rappelle qu’un soi-disant Gnostique expliquait singulièrement ce passage : « Et moi je vous dis que quiconque aura regardé une femme avec convoitise, a déjà commis l’adultère. » Le Seigneur ne nous condamne pas sur le simple désir, disait l’interprète, mais seulement si l’acte qui en est la conséquence, allant au-delà du désir, par la violence du désir, se consomme dans la convoitise. Dans les songes, nul doute que le désir ne se serve à la fois de la vision et du corps même. Les écrivains qui ont recueilli des anecdotes, rapportent cette sentence du juste Bocchoris. Un jeune homme, épris d’amour pour une courtisane, la détermina, d’après un salaire convenu, à venir le trouver le lendemain. Il arriva qu’un songe livra d’avance la jeune fille à ses désirs. Sa passion ainsi assouvie contre son espérance, il interdit sa porte à son amante, lorsqu’elle se présenta selon leurs conventions. À la nouvelle de ce qui avait eu lieu, la jeune fille éconduite réclamait le salaire promis, sur l’allégation qu’elle avait ainsi contenté les désirs du jeune homme. Il fallut plaider devant le juge. Celui-ci, après avoir ordonné au jeune homme d’étendre en plein soleil la bourse qui contenait le prix de la honte, enjoignit à la courtisane d’en prendre l’ombre, condamnant ingénieusement le défendeur à rendre le simulacre du prix pour