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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

l’emporter dans une discussion, voilà ses moyens. Les arts qui ne sont pas unis à la saine philosophie sont funestes à quiconque veut s’en servir. C’est pourquoi Platon dit positivement que la sophistique est un art pernicieux. Aristote est du même avis ; il déclare qu’elle est l’art de tromper, puisqu’elle usurpe les fonctions de la sagesse, et qu’elle se donne pour la sagesse elle-même, à l’étude de laquelle elle ne s’est jamais livrée. La rhétorique a pour principe ce qui est probable ; pour moyen, l’argument ; pour fin, la persuasion : l’art de la dispute a pour principe ce qui est vraisemblable ; pour moyen, la discussion ; pour fin, la victoire. La sophistique aussi a pour principe le vraisemblable, mais son mode est double : l’un rentre dans la rhétorique, et emploie la forme du discours suivi ; l’autre rentre dans la dialectique, et emploie la forme interrogative ; son but est l’admiration, l’étonnement. Enfin cette dialectique tant vantée dans les écoles, n’est qu’un exercice philosophique sur des choses d’opinions, dans la vue de contredire et de se rendre habile dans la dispute. C’est donc avec raison que le grand apôtre, exprimant son mépris pour ces arts inutiles qui ne s’occupent que des mots, a dit : « Si quelqu’un ne se rend point aux saines paroles, c’est qu’il est enflé de quelque vaine doctrine, orgueilleux qui ne sait rien, mais dont l’esprit malade s’arrête à des questions et à des disputes de mots, d’où naissent les contestations, les jalousies, les médisances, les mauvais soupçons, les vaines disputes des hommes dont l’intelligence est dépravée, et qui sont privés de la vérité. » Vous voyez comment l’apôtre les traite ; il nomme maladie cette dialectique dont se glorifient les sophistes grecs ou barbares qui se plaisent dans cette loquacité si dangereuse. Ces paroles que le poète tragique Euripide met à la bouche d’un de ses personnages, dans les Phéniciennes, sont dignes de remarque :

« Un discours contraire à la justice est malade au fond ; il a besoin des remèdes de la sagesse. »

La parole du salut est appelée parole saine, parce qu’elle est elle-même la vérité. Or, ce qui est toujours sain est immortel. Mais tout ce qui s’en éloigne est impiété et maladie mortelle.