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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

que dans les temps à venir, nous serions persécutés, mis à mort et attachés à la croix pour son nom. Que nous fussions persécutés, telle n’a pas été sa volonté ; mais il nous a signalé d’avance les tribulations auxquelles nous serions exposés, afin de nous exercer, par la révélation anticipée de nos épreuves, à la patience et à la résignation auxquelles il a promis l’héritage. Encore est-il que nous ne sommes pas les seuls à mourir : des milliers de condamnés périssent à côté de nous.

— Fort bien, poursuit-on ; mais ces condamnés sont des malfaiteurs, ils sont punis justement.

— Ainsi donc, nos adversaires rendent un involontaire témoignage à notre justice. On nous immole injustement à la justice ! Mais la violence du juge ne renverse pas la providence de Dieu. Il faut que le juge soit maître de sa sentence. Convient-il que, pareil à un instrument dont on presse les cordes inanimées, il obéisse à une cause étrangère, et reçoive d’ailleurs ses impressions ? Voilà pourquoi celui qui nous juge, est interrogé à son tour sur ses jugements, sur l’usage de sa liberté et sur la fermeté d’âme qu’il a opposée aux menaces. Nous sommes innocents, et le juge nous poursuit comme des violateurs de la loi et des criminels, parce qu’il ne connaît pas nos actions, parce qu’il ne veut pas les connaître. Loin de là ; il se laisse entraîner à d’aveugles préventions, ce qui fait qu’il tombe lui-même sous le jugement de Dieu. On nous persécute donc, non pas que l’on nous ait convaincus de quelque crime, mais sur la vaine opinion que nous sommes nuisibles au monde, par cela seul que nous sommes Chrétiens. On nous persécute encore, parce que, non contents d’être Chrétiens pour nous-mêmes, notre conduite est une prédication qui engage les autres à nous imiter.

— Mais pourquoi ne vous vient-il aucun secours dans le feu des persécutions, s’écrient encore nos adversaires ?

— Nous n’éprouvons aucun dommage, au moins en ce qui nous touche personnellement. Délivrés par la mort, nous prenons notre vol vers le Seigneur, et cette transformation ne nous affecte pas plus que le passage d’une période de la vie à