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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

ils à redouter des supplices de la part d’un époux ou d’un maître, pratiqueront la véritable philosophie. Il y a mieux : que l’homme libre soit menacé de la mort par un tyran, qu’il soit traduit devant les tribunaux, et traîné aux derniers supplices, qu’il y ait danger pour lui de tout perdre, jamais on ne le détachera, n’importe les moyens, de l’adoration du vrai Dieu ; jamais la femme, demeurât-elle avec un mari pervers ; jamais le fils, eût-il un père dépravé ; jamais l’esclave, appartînt-il à un maître cruel ; ne manqueront de courage pour suivre la vertu. S’il est beau et glorieux à l’homme de mourir pour la vertu, pour la liberté, pour lui-même, le même acte est beau et glorieux pour la femme. Ce n’est pas là un privilège accordé à la nature masculine ; c’est le droit de tout ce qui est bon. Tout vieillard donc, tout jeune homme, toute femme, tout esclave qui obéit aux préceptes, vivra dans la foi, et au besoin mourra pour la foi, je me trompe, se vivifiera par sa mort. Nous savons que plus d’un fils, plus d’une femme, plus d’un esclave, est arrivé au dernier degré de la perfection, malgré un père et une mère, malgré un époux, malgré un maître. Vous tous qui êtes décidés à vivre pieusement, il ne faut pas que votre zèle s’éteigne ou se ralentisse à l’aspect des obstacles. Loin de là ; redoublez d’ardeur et luttez avec courage de peur que votre défaite ne vous enlève à vos résolutions, les meilleures et les plus indispensables. Que l’on puisse un instant mettre en question lequel il vaut mieux d’entrer en partage du Tout-puissant, ou de choisir les ténèbres du démon, je ne le pense pas. Les choses que nous faisons en considération des autres, nous les faisons toujours, les yeux fixés sur l’intérêt de ceux en faveur de qui nous travaillons, et n’ayant d’autre règle que de leur être agréables. Mais dans les choses que nous faisons plutôt pour nous que dans un intérêt étranger, nous y apportons un zèle qui ne se dément pas, qu’elles aient ou qu’elles n’aient pas l’approbation d’autrui. Que si quelques biens, dont la possession est indifférente en soi, paraissent cependant mériter qu’on en poursuive l’acquisition malgré les résistances et les difficultés, à plus forte raison faudra-t-il rendre