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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

dre, roi de Macédoine : « Tu pourras bien transporter nos corps d’un lieu dans un autre lieu ; mais nos âmes, tu ne les forceras jamais à faire ce que nous ne voulons pas. Le feu, qui paraît un supplice si terrible aux autres hommes, nous le méprisons. » C’est de là qu’Héraclite préférait la gloire à tous les biens du monde, et laissait au vulgaire, ajoutait-il, « le stupide plaisir de se gorger de nourriture à la manière des animaux.

Car presque tous nos travaux sont pour le corps. C’est pour le protéger contre l’injure des saisons que nous bâtissons des édifices, c’est pour lui que nous arrachons l’argent aux entrailles de la terre, pour lui que nous ensemençons les champs, pour lui enfin les mille soins auxquels nous avons imposé des noms divers. »

À la multitude insensée de se consumer dans ces travaux inutiles !

Pour nous, l’apôtre nous dit : « Sachons que le vieil homme a été crucifié en nous avec Jésus-Christ, afin que le corps de péché soit détruit et que désormais nous ne soyons plus esclaves du péché. » L’apôtre, afin de nous montrer quel est le mépris du peuple pour la foi, et quels outrages elle reçoit de ses dédains, n’ajoute-t-il pas formellement : « Il me semble que Dieu nous traite nous autres apôtres comme les derniers des hommes, comme des victimes destinées à la mort, nous livrant en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Jusqu’à cette heure nous avons faim et soif ; nous sommes nus et en butte aux outrages ; nous n’avons point de demeure stable. Nous travaillons avec beaucoup de peine de nos propres mains ; on nous maudit et nous bénissons, on nous persécute et nous le souffrons, on nous blasphème et nous répondons par des prières, nous sommes devenus comme les ordures du monde. » Platon a écrit quelque chose de semblable dans sa République : « Appliquez-le juste à la torture ; arrachez-lui les yeux, il sera toujours dans la félicité. » La fin que se propose le véritable Gnostique ne réside donc pas dans la vie de cette terre ; il aspire de toutes ses facultés à l’éternelle béatitude, à la royale amitié de Dieu. Qu’on le couvre