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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

Bien par l’ardeur de sa charité. Divine charité ! Par elle le martyr, même avant sa naissance, était déjà présent aux yeux du Seigneur, qui contemplait d’avance son dévouement et son immolation !

Aussi voyez-le plein d’une juste confiance se hâtant d’aller rejoindre le Seigneur, qu’il aime, pour lequel il a livré son corps et sa vie, ainsi que le calculaient ses juges de la terre, et grâce à la ressemblance de sa passion avec celle du Christ, salué par lui de ces mots flatteurs : « Ô mon frère bien aimé, » suivant l’expression du poëte.

Quant à nous, nous donnons au martyre le nom de Consommation, non pas, parce qu’il termine la vie de l’homme, comme l’entend le vulgaire, mais parce qu’il achève et consomme l’œuvre de la charité. Les anciens Grecs aussi célèbrent par des chants de triomphe le trépas de ceux qui ont succombé sur le champ de bataille. Ce n’est pas qu’ils conseillent par ces hommages une mort violente, c’est que le brave qui meurt à la guerre s’est retiré de la vie sans craindre la mort, brisé dans son corps avant que l’âme pût se troubler et défaillir, comme il arrive ordinairement aux hommes dans les maladies ; car ils sortent de la vie lâchement et avec le désir de vivre. Aussi leur âme, au lieu d’être pure quand elle se dégage de sa prison mortelle, emporte avec elle le cortége de ses désirs, comme des stigmates de plomb, à moins que ce ne soient des hommes de courage et de vertu. Toutefois, parmi ceux qui meurent dans les combats, il en est aussi qui meurent avec des désirs, et avec toute la faiblesse qu’ils eussent manifestée, s’ils eussent séché et se fussent éteints dans la maladie. Si le martyre consiste à rendre témoignage à Dieu, toute âme qui règle sa vie, d’après la connaissance de Dieu et obéit fidèlement aux préceptes, est martyre par sa vie et par ses discours. Qu’importe la manière dont elle est délivrée de sa prison terrestre ? Au lieu de sang, elle répand sa foi pendant sa vie entière et à l’instant de sa mort. Le Seigneur ne dit-il pas dans l’Évangile : « Quiconque aura quitté son père ou sa mère, ou ses frères, etc, à cause de mon Évangile et de mon nom, est heureux ? » Ce n’est pas le martyre, dans la simple