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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

du péché, dit l’apôtre, vous étiez dans une fausse liberté à l’égard de la justice. Quel avantage trouviez-vous donc alors dans ces désordres dont vous rougissez maintenant ? Ils n’ont pour fin que la mort. Aujourd’hui que vous êtes affranchis du péché, le fruit que vous en tirez est votre sanctification, et la fin sera la vie éternelle. Car la mort est la solde du péché ; la grâce de Dieu, au contraire, est la vie éternelle, en Jésus-Christ notre Seigneur. » Nous commençons donc à le voir, la mort est l’union de l’âme pécheresse avec le corps ; et la vie réelle, c’est la séparation de l’âme d’avec le péché. Mais dans ce divorce, nom rencontrons à chaque pas les retranchements et les fossés du désir, les tourbillons de la colère, les gouffres des appétits charnels. Il faut les franchir résolument, et nous dérober à tous les pièges dressés devant nous, si nous voulons parvenir à contempler Dieu face à face, et non point seulement comme dans un miroir.

« Jupiter, à la voix retentissante, enlève à l’homme que la nécessité a courbé sous le joug de l’esclavage, la moitié de la vertu. » Le nom d’esclaves, attaché par flétrissure à tous ceux qui sont dans les liens du péché et vendus au péché, à tous ceux qui se prostituent aux plaisirs, à tous ceux qui aiment leur corps, est familier à l’Écriture-Sainte ; et à ses yeux, ces infortunés qui s’assimilent aux animaux, chevaux enflammés, hennissant après la femme du prochain, sont moins des hommes que des brutes. Dans son langage symbolique, le voluptueux est l’âne lascif ; le ravisseur du bien d’autrui est le loup féroce ; l’imposteur, le serpent. Ainsi donc, la séparation spirituelle de l’âme d’avec le corps, sur laquelle le philosophe médite pendant tout le cours de sa vie, éveille au fond de son cœur un vif désir de connaissance, peur qu’il soit à même de supporter la mort naturelle, qui est la rupture des liens par lesquels l’âme est unie au corps. « Le monde est crucifié pour moi, dit l’apôtre ; et je suis crucifié pour le monde. Mais moi, bien que je sois encore revêtu de la chair, je vis déjà dans le ciel. »