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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

et qui emprunte, s’il ne se trouve personne qui possède, qui donne, ni qui prête ? Mais quoi ! Lorsque le Seigneur dit : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez revêtu ; » et qu’il ajoute : « Autant de fois vous l’avez fait pour un de ces petits, vous l’avez fait pour moi ; » n’a-t-il pas porté les mêmes lois dans l’ancien Testament ? « Celui qui donne au pauvre prête à Dieu. » Et : « Ne t’abstiens pas de faire du bien à celui qui a besoin. » Il dit encore : « Que la miséricorde et la foi ne t’abandonnent pas. La pauvreté rabaisse l’homme, et la main des forts enrichit. » Et il ajoute : « Celui qui ne donne point son argent à usure est digne d’être admis. La santé de l’âme, voilà la véritable opulence de l’homme. » Ne nous indique-t-il pas, avec la dernière évidence, qu’à l’exemple du monde physique, qui se compose des contraires, du chaud et du froid, de l’humide et du sec, le monde moral se compose aussi de gens qui donnent et de gens qui reçoivent ? Et lorsqu’il dit encore : « Si vous voulez être parfaits, allez, vendez ce que vous possédez, et donnez-le aux pauvres, » il confond celui qui se glorifie d’avoir gardé tous les commandements depuis sa jeunesse ; car il n’a pas accompli celui-ci : « Vous aimerez votre prochain comme vous-même ; » c’est-à-dire que le Seigneur, pour le former à la perfection, lui apprenait à donner dans un esprit de charité. Le Seigneur ne défend donc pas les richesses qu’accompagne la vertu ; ce qu’il défend, ce sont l’injustice et l’insatiabilité dans les richesses ; car, la fortune qui se grossit par l’iniquité, décroît et dépérit. Il en est qui, en semant, accroissent leurs trésors ; d’autres qui, en récoltant, les diminuent. C’est à eux qu’il a été dit : « Il a répandu ses biens sur le pauvre ; sa justice subsistera dans tous les siècles. » L’homme qui, en semant, recueille davantage, est celui qui échange, par l’aumône, les biens de la terre et du temps contre les biens du ciel et de l’éternité. L’autre, au contraire, est celui dont les mains ne s’ouvrent jamais en faveur du pauvre, sans profit pour lui toutefois, et qui enfouit