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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

fut le seul qui dédaigna la passion de Laïs. Il s’était engagé par serment, avec cette courtisane, à l’emmener dans sa patrie, si elle consentait à lui prêter quelque assistance contre ses rivaux. Elle ne l’eut pas plutôt fait, qu’imaginant une ruse ingénieuse pour acquitter sa parole, Aristote fit peindre cette femme avec le plus de vérité qu’il lui fut possible, et transporta son image à Cyrène, ainsi que le raconte Ister dans son ouvrage intitulé : Nature des combats gymniques. Ainsi la chasteté ne prend place parmi les vertus, qu’à la condition d’être inspirée par l’amour de Dieu. Le bienheureux Paul ne dit-il pas de ceux qui ont le mariage en horreur : « Dans la suite des temps, plusieurs abandonneront la foi pour suivre des esprits d’erreur, et des doctrines de démons, qui interdiront le mariage et l’usage des viandes ? » Il dit encore : « Que nul ne vous réduise, en affectant de paraître humble, et en ne ménageant point le corps. » Le même dit aussi : « Êtes-vous lié avec une femme ? ne cherchez point à vous délier. N’avez-vous point de femme ? ne cherchez pas à vous marier. » Et encore : « Que chaque homme vive avec sa femme, de peur que Satan ne vous tente. » Mais quoi ? les anciens justes aussi, ne prenaient-ils pas avec reconnaissance leur part des choses créées ? Les uns engendrèrent des enfants dans un mariage pudique et continent. Les corbeaux apportaient à Élie sa nourriture, des pains et de la chair. Le prophète Samuel, prenant une épaule qui restait de ce qu’il avait mangé, la donna à Saül pour qu’il en mangeât. Or, les superbes qui, par la conduite et le plan de la vie, prétendent l’emporter sur ces justes, ne pourront même pas leur être comparés du côté des actions. C’est pourquoi : « Que celui qui n’ose manger de tout ne méprise point celui qui mange, et que celui qui mange ne condamne pas celui qui ne mange pas, puisque Dieu l’a reçu. » Il y a plus : le Seigneur, parlant de lui-même, dit : « Jean est venu, ne mangeant ni ne buvant, et ils disent : Il est possédé du démon. Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et ils disent : C’est un homme insatiable et adonné au vin, ami des publicains, et pécheur. »