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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

ture primitive ; car, ainsi qu’elle, il était informe et désordonné, avant d’être organisé comme il l’est maintenant. » Et dans les Lois il ne gémit pas moins sur le genre humain : « Les dieux, dit-il, ayant pris pitié de la race humaine, condamnée par la nature au travail, lui assignèrent pour se reposer, le retour périodique des jours de fête. » Et dans l’Épinomide, exposant en quoi les hommes sont à plaindre, il s’exprime ainsi : « Dès le principe, arriver à la vie est pénible pour tout être animé ; il faut d’abord qu’il passe par l’état de fœtus ; puis qu’il naisse ; puis qu’il soit allaité ; puis qu’on l’élève ; toutes choses qui ne se font qu’au prix de mille fatigues, comme nous le savons tous. » Mais quoi ! Héraclite, aussi, ne dit-il pas que naître c’est mourir ? il est d’accord en cela avec Pythagore et avec Socrate dans le Gorgias. Voici ce qu’il dit : « La mort est tout ce que nous voyons lorsque nous sommes éveillés, le songe tout ce que nous voyons en dormant. » Mais assez sur ce point. Lorsque nous traiterons des principes, nous examinerons ces contradictions auxquelles font allusion les philosophes et dont les Marcionites ont formé une doctrine particulière. Du reste, je crois avoir prouvé assez clairement que Marcion, en empruntant à Platon ces dogmes étranges, a fait preuve de maladresse et d’ignorance.

Arrivons maintenant à la continence. Nous avancions que les Grecs, envisageant tous les inconvénients qu’entraîne avec soi la génération des enfants, avaient beaucoup déclamé contre elle, et que les Marcionites entendant leurs paroles dans un sens impie, se montraient ingrats envers le Créateur. Que dit en effet le poète tragique ? »

Il vaut mieux pour les mortels ne pas naître que de naître. » Et puis : « J’enfante avec de cruelles douleurs ; ai-je enfanté ? si j’ai donné le jour à quelques enfants idiots, je m’afflige, mais en vain, de ce que je conserve les mauvais et perds les bons. Conservé-je ces derniers ? mon malheureux cœur sèche de crainte. Est-ce là le bonheur ? Ne suffit-il pas d’une vie à perdre, sans avoir encore mille autres tourments ? »

Il ajoute :