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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

profond dédain pour le corps, et le fuit de toutes ses forces, aspirant à exister seule et libre de ses liens. » Platon ne se rencontre-t-il pas ici avec le divin apôtre : « Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? » à moins que l’apôtre n’ait parlé en figure et n’ait entendu par ce corps de mort, l’ensemble de ceux qui se laissent entraîner dans le vice. Platon paraît avoir eu aussi, avant Marcion, de l’éloignement pour les rapports charnels, principe de la génération ; car, dans le premier livre de sa république, après avoir fait l’éloge de la vieillesse, il ajoute : « Sache-le bien, plus les voluptés du corps s’amortissait en moi, et plus aussi je sens se réveiller au fond de mon âme le goût pour les sciences, et plus je sens s’accroître le plaisir qu’elles procurent. » Et comme on avait amené la question sur l’usage des plaisirs charnels : « Félicite-moi, dit-il, j’en ai secoué le joug avec plaisir, comme si j’avais échappé à la tyrannie d’un maître furieux et brutal. » Et condamnant de nouveau, dans le Phédon, la génération, il ajoute : « La raison qu’on en donne en secret, est que nous autres hommes nous sommes dans une espèce de prison. » Et encore : « Ceux-là paraissent exceller sur tous les autres par la sainteté de leur vie, qui, délivrés et affranchis des liens par lesquels ils étaient retenus sur la terre, comme dans une geôle, s’en vont là-haut dans la demeure pure et sans tache. » Telle était, sans doute, l’opinion de Platon ; il comprenait, toutefois, que l’univers est sagement gouverné, et il disait : « Il ne faut pas se délivrer soi-même de la vie, ni s’enfuir comme un esclave ; » et pour le dire en un mot, il n’a pas donné sujet à Marcion de regarder la matière comme mauvaise, puisqu’il a écrit lui-même ces religieuses paroles sur le monde : « Tous les biens que le monde renferme, il les tient de Dieu qui l’a créé ; mais tout ce qu’il y a de mal et d’inique sous le soleil, le monde le tient de l’état antérieur à la création, et le communique aux êtres animés. » Puis il ajoute ces paroles encore plus positives : « La cause de ces maux pour le monde est l’élément matériel qui est entré dans la composition des corps, élément qui faisait partie de la na-