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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

était loin de supposer que les femmes dussent être communes. Les Marcionites sont allés plus loin. Ils disent que la nature est mauvaise, et d’une mauvaise matière, quoique sortie des mains d’un Créateur juste. C’est pourquoi ils refusent de peupler le monde, œuvre du Créateur, et veulent que l’on s’abstienne du mariage, faisant profession ouverte de résister à leur Créateur et de tendre vers l’être bon qui les a appelés, et non vers celui qui est Dieu, disent-ils, d’une autre manière. Et par suite de cette résistance, pour ne rien omettre sur ce point de tout ce qui est en leur pouvoir, ils embrassent la continence, non par estime pour elle, mais par haine pour le Créateur, et pour ne point user de ce qui a été créé par lui. Toutefois, ces mêmes hommes, auxquels leur guerre impie contre Dieu a fait perdre tous les sentiments naturels, ces mêmes hommes qui méprisent la patience et la bonté de Dieu, quoiqu’ils refusent de se marier, usent cependant des aliments créés et respirent l’air du Créateur ; eux-mêmes ils sont l’ouvrage de ses mains et demeurent parmi ses œuvres. Ils annoncent, disent-ils, une doctrine nouvelle : soit, mais à moins qu’ils remercient donc le Seigneur d’avoir créé le monde, puisque c’est dans le monde du Créateur qu’ils ont reçu le nouvel Évangile. Nous les réfuterons pleinement lorsque nous arriverons à la question des principes.

Quant aux philosophes dont nous avons fait mention, et dans la doctrine desquels les Marcionites ont puisé le dogme impie, que la génération est criminelle, mais dont ils se glorifient néanmoins comme s’il émanait d’eux, ils ne veulent pas que la génération soit criminelle de sa nature, mais qu’elle ait été rendue telle par l’âme qui a trahi la vérité. Car notre âme, à laquelle ils reconnaissent une essence divine, ils la font descendre ici-bas comme dans un lieu de supplice ; et selon eux, les âmes sont unies à des corps afin de se purifier. Ainsi ce dogme est celui, non plus des Marcionites, mais de ceux qui pensent que les âmes sont envoyées dans les corps, qu’elles y sont enchaînées, et qu’elles sont, pour ainsi dire, transvasées d’un corps dans un autre. Nous les réfuterons