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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

en s’abstenant du mariage et de la procréation, ils amènent, autant qu’il est en eux, la disette d’hommes et détruisent les cités dont se compose le monde. C’est, en outre, une impiété d’abolir la génération, puisqu’elle est d’institution divine. N’y a-t-il pas d’ailleurs quelque faiblesse de cœur et une pusillanimité indigne d’un homme, à fuir les relations domestiques avec une femme et des enfants ? car, ce dont la perte est un mal, le posséder est incontestablement un bien, et ainsi du reste. Or, perdre ses enfants, disent-ils, est un des plus grands maux ; avoir des enfants est donc un bien ; ce que je puis dire des enfants, je puis l’appliquer également au mariage. « Sans père, dit le poète, pas d’enfants ; sans mère, pas de fils conçu. »

Le mariage fait la paternité comme l’homme la maternité. Le vœu suprême d’une femme, selon Homère, c’est d’avoir un mari et une famille, non pas seulement un mari et une famille, mais avec eux la concorde et la bonne intelligence. Que pour d’autres, l’harmonie de cette union réside dans les voluptés, il n’en va pas ainsi de ceux qui aiment la sagesse ; le mariage ne les conduit qu’à cet accord fondé sur la raison et sur le Verbe. Il permet à l’épouse, non l’embellissement de la figure, mais l’ornement des mœurs ; il dit aux hommes : « Vous n’userez pas de vos femmes comme de maîtresses ; vous ne vous proposerez pas pour but unique les plaisirs des sens ; mais vous vous marierez pour avoir une aide pendant votre vie entière, et pour pratiquer une sévère tempérance. » L’homme, fruit du mariage, et pour lequel tout naît dans la nature, est d’un plus haut prix que le froment et l’orge que l’on sème en temps convenable. Or, voyez les agriculteurs, ils ne confient que sobrement à la terre les semences des blés. Il faut donc purifier le mariage des souillures qu’il peut amener, si nous ne voulons pas que les accouplements des animaux, pendant l’époque même du rut, ne nous couvrent de honte en gardant plus de réserve et plus de conformité à la nature que les unions humaines. En effet, plusieurs animaux, au temps marqué, s’éloignent aussitôt de la femelle, abandonnant le