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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

s’égalant à Dieu, dans son langage impie, qu’il était capable de disputer cette félicité au grand Jupiter lui-même. Il semblait ainsi décerner la palme du bonheur au pourceau qui se nourrit d’immondices, plutôt qu’à l’être raisonnable et à l’ami de la sagesse. Qui en doute aujourd’hui ? les Cyrénaïtes et Épicure sont les esclaves de la volupté. Ne déclarent-ils pas, en termes formels, que la fin de l’homme est de vivre agréablement, et que le seul bien parfait, c’est la volupté ? Épicure dit que la volupté consiste aussi dans l’absence de la douleur, et qu’il faut choisir ce qui d’abord nous attire, le plaisir étant entièrement dans la sensation. Écoutons Dinomaque et Calliphon : « Le but de l’homme est de faire tout ce qui est en lui pour atteindre à la volupté et pour en jouir. » Suivant Hiéronyme le péripatéticien, le but de l’homme est de vivre sans trouble, et le souverain bien est la félicité. Diodore, de la même secte, déclare également que la fin de l’homme est une vie tranquille et honnête. Épicure et les Cyrénaïtes définissent la volupté, ce qui est surtout conforme et propre à la nature. Le plaisir, disent-ils, étant le mobile de la vertu, la vertu produit la volupté. D’après Calliphon, le plaisir est bien le mobile de la vertu ; mais celle-ci, s’étant apperçue avec le temps des charmes de la volupté, parvint à usurper un honneur égal à celui de son principe. Les disciples d’Aristote prétendent que la fin de l’homme est de vivre conformément aux lois de la vertu ; mais la félicité et le repos absolu, ajoutent-ils, sont impossibles ici-bas. Persécuté, ballotté par des fortunes contraires qui se jouent de sa volonté, sans autre désir que de s’en délivrer en quittant cette vie, le sage n’est ni heureux ni tranquille. Il faut d’ailleurs du temps à la vertu qui n’atteint pas en un jour aux derniers degrés de la perfection ; car, il n’est jamais, dit-on, d’enfant heureux. Le temps nécessaire à cette consommation est la vie humaine. Le comble du bonheur se compose donc de trois sortes de biens. L’homme pauvre, obscur, valétudinaire ou condamné à l’esclavage, ne peut prétendre au bonheur, selon ces philosophes. Zénon, le stoïcien, estime que le but de l’homme est de vivre