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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

Combat simulé, par lequel cet illustre gnostique passait réellement sous les bannières de l’ennemi ; car il se disait gnostique. Écoutez-le ! « Rien de grand à s’abstenir de la volupté, sans l’avoir expérimentée ; le sublime, c’est d’en user sans être vaincu par elle. » De là son mot ordinaire : « Je m’exerce par la volupté contre la volupté. » L’imprudent ! il se séduisait lui-même par les artifices de la passion. Aristide de Cyrène a embrassé la même opinion que ce sophiste qui se vante de posséder la vérité. Quelqu’un lui faisant honte de ses relations avec une courtisane de Corinthe : « Je possède Laïs, répondit-il, Laïs ne me possède pas. » Telles sont aussi les opinions de ceux qui prétendent suivre Nicolas, dont ils rapportent cet aphorisme, mais en le détournant de son vrai sens : « Il faut abuser de la chair. » Cet illustre fidèle voulait dire qu’attentifs à mutiler nos voluptés et nos désirs, nous devons par cet exercice mortifier la chair, en éteindre les appétits et les ardeurs soudaines. Ses prétendus sectateurs, au contraire, se ruant sur la volupté avec l’emportement du bouc, et en quelque sorte insultant au corps, dépensent leur vie en plaisirs, sans songer que le corps, caduc de sa nature, s’use et tombe en lambeaux. Mais leur âme est enfouie dans le bourbier du vice, attachée aux dogmes de la volupté plutôt qu’à ceux de l’homme apostolique. En quoi diffèrent-ils, je vous prie, de Sardanapale, dont cette inscription caractérise la vie : « Mes débauches de table, mes « débauches d’amour, je les possède ; mais hélas ! mes mille voluptés gisent laissées derrière moi. De celui qui a régné sur « la grande Ninive, que reste-t-il ? un peu de cendre. »

L’usage de la volupté n’est pas absolument nécessaire ; elle n’est que la suite de certaines nécessités physiques, telles que la faim, la soif, le froid et le mariage. C’est pourquoi, écartez-la du boire, du manger, de la procréation des enfants, on ne pourrait savoir à quoi elle est bonne, puisqu’elle n’est ni un acte, ni une affection, ni même quoique ce soit de notre être. Surajoutée à la vie pour lui servir d’auxiliaire, mais d’auxiliaire soumis, comme le sel se mêle, dit-on, aux aliments, pour en faciliter la digestion, trop souvent elle se révolte, s’em-