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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

simple bon sens dit donc, dans notre philosophie, que toutes nos passions sont des empreintes faites sur notre âme facile et molle, et comme des sceaux intérieurs gravés par les puissances incorporelles, contre lesquelles il nous faut lutter. Les esprits malfaisants ne s’occupent que d’imprimer sur chaque homme quelque chose de leur propre état, pour parvenir à vaincre et à enchaîner dans leurs liens ceux qui ont renoncé à elles. Il arrive naturellement que, dans la lutte, quelques-uns sont vaincus. Quant à ceux qui engagent le combat avec plus de vigueur et d’habileté, les puissances infernales, après une lutte obstinée, et qui a failli ravir la palme, leur rendent enfin les armes dans la poussière et le sang, pleines d’admiration pour leurs vainqueurs.

Les corps susceptibles de mouvement se meuvent, les uns, par les désirs et par l’imagination, tels que les êtres animés ; les autres, par translation, comme les choses inanimées. Suivant quelques naturalistes, parmi les choses inanimées, les plantes ont la faculté de se mouvoir pour croître ; si toutefois on accorde que les plantes soient inanimées. Les pierres ont une existence qui leur est propre ; les plantes sont vivifiées par la nature ; et les animaux privés de la parole ont le désir, l’imagination, et de plus, les facultés énoncées plus haut. Mais la faculté de raisonner étant le privilége de l’homme, l’âme, au lieu d’obéir à des impulsions aveugles, confine les animaux privés de raison, doit choisir entre les objets que lui offre l’imagination, sans se laisser emporter par elle. Aussi, les puissances dont nous parlons, présentent aux âmes faciles à entraîner, la beauté, la gloire, l’adultère, la volupté et d’autres images semblables, propres à servir d’amorce. On dirait de ces voleurs qui jettent des feuilles aux jeunes agneaux, pour les attirer sur leurs pas. Puis, après avoir circonvenu par l’imposture ceux qui ne peuvent distinguer la véritable volupté de la fausse, la sainte beauté de la beauté fragile et sujette aux outrages du temps, elles conduisent les imprudents à l’esclavage de la chair. Or, chaque imposture s’attachant à l’âme avec une étreinte incessante, y grave son image. Et voici que l’âme, à son insu, emporte par-