Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

des victimes. Or, s’il faut réprimer les appétits de l’estomac et des parties qui en approchent, il est évident, selon le précepte que jadis le Seigneur nous a transmis par la loi, que nous devons étouffer nos désirs. Nous y parviendrons complètement si nous condamnons sans pitié l’aliment du désir, la volupté.

Les philosophes définissent la connaissance de la volupté, une commotion douce et agréable qui agite quelqu’un de nos sens. Suivant eux, Ménélas, qui en était l’esclave, s’étant précipité dans Troye en feu, avec la résolution de tuer Hélène, cause de ces longues et horribles calamités, n’eut pas la force de l’immoler, vaincu par des charmes qui lui rappelèrent les voluptés passées. Aussi les poètes tragiques l’ont-ils amèrement raillé, et lui ont-ils crié avec insulte : « Mais toi, à l’aspect de son sein, tu jetas ton épée, tu reçus un baiser, et tu flattas le monstre perfide. » Et ailleurs : « Est-ce que ton épée s’émousse contre la beauté ? »

Je suis de l’avis d’Antisthène, lorsqu’il dit : « Si je pouvais saisir Vénus, je la percerais de mes flèches. C’est elle qui, parmi nous, corrompt un grand nombre de belles et honnêtes femmes. L’amour est un vice de la nature ; les malheureux dont il s’empare appellent Dieu la maladie qui les travaille. » Cela nous montre que les plus inexpérimentés succombent par ignorance de la volupté, dont il ne faut pas suivre les inspirations, bien qu’on l’appelle déesse, c’est-à-dire, bien qu’elle nous ait été donnée par Dieu pour servir à la génération. Xénophon aussi, flétrit sans détour la volupté du nom de vice : « malheureuse, s’écrie-t-il, que connais-tu de bien ? que te proposes-tu de beau, toi qui n’attends pas même ; pour les choses agréables, que le désir te vienne ? Avant d’avoir faim, tu manges ; avant d’avoir soif, tu bois. Pour avoir une table plus délicate, tu crées d’habiles cuisiniers ; pour avoir une boisson plus agréable, tu rassembles à grands frais les vins les plus exquis, et pendant l’été, tu cours çà et là cherchant de la neige ; pour dormir d’un sommeil plus doux, tu prépares une couche moelleuse que tu recouvres de coussins plus moelleux encore. » C’est ce qui fait dire à Ariston : « Veux-tu ré-