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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

une modification et une secousse de l’âme. » Pour nous, entraînés par ces définitions, nous ne cessons d’interpréter, selon la chair, les saintes Écritures, et nous inférons de nos passions, que l’immuable volonté de Dieu est semblable aux fluctuations de la nôtre. Oui, certes, admettre que dans le Tout-Puissant les choses se passent comme en chacun de nous, ce serait là une erreur impie, puisqu’il est impossible de définir Dieu tel qu’il est. Mais les prophètes nous ont parlé selon qu’il nous était possible de comprendre, à nous esclaves de la chair, le Seigneur se prêtant de la sorte à la faiblesse humaine par une salutaire condescendance. Comme la volonté de Dieu est que tous les deux soient sauvés, celui qui garde les préceptes et celui qui se repent de ses péchés, nous nous réjouissons de notre salut. Cette joie, qui nous est particulière, le Seigneur se l’attribue à lui-même comme sa propre joie, quand il parle par la bouche des prophètes. C’est ainsi, par exemple, qu’il dit miséricordieusement dans l’Évangile : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; car, ce que vous avez fait pour un seul de ces petits, vous l’avez fait pour moi. » De même donc, que Dieu est nourri sans être nourri, parce que le pauvre a été nourri, conformément à sa volonté, de même il se réjouit sans que son impassibilité s’en altère, parce que celui-là est dans la joie, qui s’est repenti comme sa volonté le demandait. « Dieu est riche en miséricorde. » En vertu de sa bonté, il nous donne ses commandements, par la loi, par les prophètes ; plus immédiatement encore il sauve et prend en pitié par la venue de son fils, comme il le dit lui-même, ceux dont il a eu pitié. À proprement parler, c’est le supérieur qui a pitié de son inférieur, et il n’est pas d’homme supérieur à un autre, en tant qu’homme. Mais Dieu est en tout supérieur à l’homme. Si donc le supérieur a pitié de son inférieur, à Dieu seul de prendre pitié de nous. L’homme apprend de la justice à ouvrir sa main à tous, et s’il partage avec les autres les dons qu’il a reçus de Dieu, c’est par une disposition naturelle à la bienveillance, et par fidélité aux préceptes. Dieu, au contraire, n’a, comme le