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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

jouissons de la vue, nous envisageons les objets qui se rencontrent devant nos yeux ; mais chacun de nous les envisage sous un jour différent. Ce n’est pas d’un même œil que le cuisinier et le pasteur regardent la brebis. L’un n’a souci que de savoir si elle est grasse, l’autre si elle a une épaisse toison. Que celui qui a besoin de nourriture tire le lait de la brebis ; que celui qui manque de vêtements lui enlève sa toison. Ainsi puisse me profiter ce qu’il y a de bon chez les Grecs. Je ne pense pas qu’il soit aucun livre assez heureux pour se produire sans éprouver de résistance et de contradiction ; mais il faut regarder comme conforme à la raison le livre qui n’éprouve aucune contradiction raisonnable. L’action et la doctrine qu’il faut admettre ne sont pas celles qui ne sont pas attaquées, mais celles qui le sont sans raison. De ce que d’une chose, on n’en fait point son principal but, il ne suit pas qu’on la néglige, mais on agit en quelque sorte comme inspiré par la divine sagesse ; on se plie et on s’accommode à toutes les circonstances. Car l’homme qui possède la vertu n’a plus besoin de la route qui mène à la vertu ; et l’homme qui se porte bien, n’a pas besoin de rétablir ses forces. Et de même que les laboureurs arrosent d’abord la terre, et l’ensemencent ensuite ; ainsi, parce qu’il y a de bon dans les écrits des Grecs, nous arrosons ce qu’il y a de terrestre, afin que ce sol reçoive la semence spirituelle qu’on y jette, et qu’il puisse facilement la nourrir. Les Stromates contiendront la vérité qui se trouve mêlée aux dogmes de la philosophie, ou plutôt que ces dogmes recouvrent et enveloppent, comme la coquille renferme ce qu’il y a de bon à manger dans la noix. Il ne convient, selon moi, qu’à ceux qui sèment la foi d’en conserver toutes les semences. Je n’ignore pas ce que répètent partout certains esprits ignorants et craintifs ; ils disent qu’il ne faut se livrer qu’à l’étude des choses les plus nécessaires, et qui sont le principe de la foi ; mais qu’il faut négliger les choses étrangères et superflues qui nous fatiguent en vain et qui nous arrêtent à des soins entièrement inutiles pour le salut. Il en est d’autres qui veulent même que la philosophie soit entrée dans la vie pour le mal-