Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

selon la raison, la vie et les usages, ou, en un mot, la doctrine sociale de la vie ; ou bien encore une amitié, une communauté d’affections, droite, sage et persévérante, entre soi et ses compagnons. Car l’étymologie du mot etairos, compagnon, est dans ces deux mots, eteros ego ; un autre moi-même ; c’est ainsi que nous appelons frères ceux qui ont été régénérés par le même Verbe. À la charité se rattache aussi l’hospitalité, espèce d’amitié qui s’exerce envers les étrangers ; or, ceux-là sont étrangers pour lesquels les choses terrestres sont étrangères ; car nous entendons par mondains ceux qui n’espèrent que dans la terre et dans les passions charnelles. « Ne vous conformez point, dit l’apôtre, au siècle présent ; mais qu’il se fasse en vous une transformation par le renouvellement de votre esprit, afin que vous reconnaissiez quelle est la volonté de Dieu, et ce qui est bon, agréable à ses yeux, et parfait. » L’hospitalité s’occupera donc de ce qui est utile aux étrangers ; or, ceux qui reçoivent l’hospitalité sont des hôtes ; les hôtes sont des amis, et les amis sont des frères. « Ô frère ! ô ami, dit Homère. » L’humanité, mère de l’affection, qui, à son tour, consiste dans un commerce d’amitié avec les hommes, et l’affection qui nous unit à ce que chérissent nos amis et nos proches, l’humanité, dis-je, et l’affection sont les compagnes inséparables de la charité. Or, si réellement l’homme qui est en nous procède de l’esprit, l’affection est une fraternité pour ceux qui participent du même esprit. L’affection est donc l’exercice persévérant de la bienveillance ou de la dilection. La dilection est une démonstration complète d’affection. Être aimé, c’est plaire aux autres par son naturel, conduit soi-même à les aimer par une influence réciproque. On arrive à s’identifier l’un à l’autre par l’unanimité, qui est la science des biens communs ; car le mot grec omognomosuné signifie littéralement l’action de penser ensemble. « Que votre charité, dit l’apôtre, soit sincère et sans déguisement. Ayez horreur du mal, et attachez-vous constamment au bien. Aimez-vous les uns les autres. » Il poursuit dans les mêmes termes jusqu’à ces mots : « Vivez en paix, si cela se peut, et autant qu’il est en vous, avec tous les hommes. » Il