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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

l’ignorance du mal ? Ignorance du bien ! pourquoi cesse-t-elle après la stupéfaction ? Et dès lors à quoi bon le céleste envoyé, et la prédication et le baptême ? Ignorance du mal ! comment le mal peut-il enfanter le bien ? Si l’ignorance n’eut pas tout précédé, un envoyé fût-il descendu du ciel ? La stupéfaction n’eût pas frappé l’archon suprême, comme ils l’appellent. La crainte n’eût pas été le commencement de la sagesse, pour guider son choix dans l’ordre et le gouvernement des choses terrestres. Mais si la crainte de l’homme préexistant a poussé les anges à tenter la perte de leur propre ouvrage, parce que cet ouvrage avait reçu d’en-haut l’influence invisible de l’essence divine, de trois choses l’une ; ou, par une fausse opinion, les anges, ce qui est inadmissible, jaloux de la créature dont ils étaient comme les pères, ont lutté contre elle pour en devenir maîtres ; dès lors il faut les supposer condamnés à une ignorance complète. Ou bien ils ont agi sous l’impulsion de la prescience. Mais, avec la prescience de ce que devait être la créature, ils ne lui auraient pas laborieusement dressé des embûches. D’autre part, ils n’auraient pas été frappés de stupéfaction à l’aspect de leur propre ouvrage, puisque la prescience leur révélait le mystère de la semence divine, que la créature avait reçue d’en-haut. Ou bien en dernier lieu, forts de la connaissance, ils n’ont pas craint de tendre des embûches à l’homme ; ce qui est également impossible, puisqu’ils auraient connu l’excellence de la consommation (Pleroma). La tradition leur aurait appris d’ailleurs que l’homme est à l’image de son archétype, que cet archétype est reproduit dans l’empreinte, et qu’enfin l’âme humaine est impérissable, comme le reste de la connaissance (Gnose).

C’est à ces hérétiques, à quelques autres encore, et surtout aux Marcionites, que l’Écriture crie, mais à des oreilles qui sont sourdes : « Celui qui m’écoute habitera dans la joie ; libre de crainte, il vivra en paix. » Que veulent-ils donc faire de la loi ? La déclarer mauvaise ? Ils ne le diront pas. Ils sont obligés d’avouer qu’elle est juste, puisqu’ils établissent une différence entre le bon et le juste. Quand le Seigneur prescrit de craindre le mal, il n’éloigne pas le mal du mal, mais il sépare