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au-dessus des autres, c’était moins pour avoir tout appris que pour savoir qu’il ne savait rien. La science suprême, en effet, c’est de savoir reconnaître son ignorance. Et voilà le principe d’où sont partis Arcésilas, Carnéade, et la plupart des philosophes académiciens, qui commencent si prudemment par le doute dans les plus graves questions : manière de philosopher glorieuse pour le sage, sans danger pour l’ignorant. La prudente lenteur de Simonide Mélicus n’est pas seulement à admirer, mais à suivre. Pressé par le tyran Hiéron de lui dire ce qu’il pensait des dieux, quelle était leur nature, d’abord il demanda un jour pour y réfléchir, puis deux, puis quatre ; et enfin il répondit au tyran étonné de tant de délais, que plus il approfondissait la question, plus la vérité s’obscurcissait pour lui. Mon opinion à moi, c’est qu’il faut laisser les choses douteuses pour ce qu’elles sont ; et lorsque tant et de si beaux génies restent dans le doute, ne pas prendre parti si vite et si témérairement, de peur d’introduire une superstition ridicule et d’anéantir tout sentiment religieux.

XIV. Ainsi parla Cécilius ; et se mettant à sourire, car la chaleur de son discours avait fait tomber sa mauvaise humeur, il ajouta : Maintenant qu’ose répondre Octave de la race de Plaute, sans contredit le premier des boulangers s’il n’est pas le dernier des philosophes. — Cessez, lui dis-je, à propos de Plaute, de vous applaudir aux dépens d’Octave ; vous ne devez pas faire trophée de votre éloquence, avant d’avoir entendu votre adversaire. D’ailleurs, ce n’est point pour la gloire mais pour la vérité que vous combattez ici. Votre harangue si variée et si subtile m’a vivement intéressé ; mais elle m’a suggéré des réflexions d’un ordre plus élevé qui se rattachent moins à la discussion présente qu’à la manière de discuter en général. Je remarque avec peine que le talent de l’orateur et les artifices de l’éloquence embrouillent souvent les questions les plus claires. C’est un inconvénient qui résulte, comme on le sait, de la molle facilité des auditeurs ; ils se laissent entraîner par le charme des paroles qui détournent leur attention du fond